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LXXIV
ÉLOGE DE BUFFON

semblant, accordant avec le même soin, le même goût, le même art, toutes les parties du discours, il le prononçoit à diverses reprises, se corrigeant à chaque fois ; et content enfin de ses efforts, il le déclamoit de nouveau pour lui-même, pour son plaisir, et comme pour se dédommager de ses peines. Tant de fois répété, sa belle prose, comme de beaux vers, se gravoit dans sa mémoire ; il la récitoit à ses amis ; il les engageoit à la lire eux-mêmes à haute voix en sa présence ; alors il l’écoutoit en juge sévère, et il la travailloit sans relâche, voulant s’élever à la perfection que l’écrivain impatient ne pourra jamais atteindre.

Ce que je peins foiblement, plusieurs en ont été témoins. Une belle physionomie, des cheveux blancs, des attitudes nobles rendoient ce spectacle imposant et magnifique ; car s’il y a quelque chose au dessus des productions du génie, ce ne peut être que le génie lui-même, lorsqu’il compose, lorsqu’il crée, et que dans ses mouvements sublimes il se rapproche, autant qu’il se peut, de la Divinité.

Voilà bien des titres de gloire. Quand ils seroient tous anéantis, M. de Buffon ne demeureroit pas sans éloge. Parmi les monuments dont la capitale s’honore, il en est un que la munificence des rois consacre à la nature, où les productions de tous les règnes sont réunies, où les minéraux de la Suède et ceux du Potose, où le renne et l’éléphant, le pingoin et le kamichi sont étonnés de se trouver ensemble ; c’est M. de Buffon qui a fait ces miracles ; c’est lui qui, riche des tributs offerts à sa renommée par les souverains, par les savants, par tous les naturalistes du monde, porta ces offrandes dans les cabinets confiés à ses soins. Il y avoit trouvé les