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LXXIII
PAR VICQ D’AZYR.

qui les siècles précédents furent illustrés, nous verrions comment la culture des sciences a influé sur l’art oratoire, en lui fournissant des objets et des moyens nouveaux. Ce qui distingue les écrivains philosophes, parmi lesquels celui que nous regrettons s’est acquis tant de gloire, c’est qu’ils ont trouvé dans la nature même, des sujets dont les beautés seront éternelles, c’est qu’ils n’ont montré les progrès de l’esprit que par ceux de la raison, qu’ils ne se sont servis de l’imagination qu’autant qu’il falloit pour donner des charmes à l’étude ; c’est qu’avançant toujours et se perfectionnant sans cesse, on ne sait ni à quelle hauteur s’élèveront leurs pensées, ni quels espaces embrassera leur vue, ni quels effets produiront un jour la découverte de tant de vérités et l’abjuration de tant d’erreurs.

Pour suffire à d’aussi grands travaux, il a fallu de grands talents, de longues années, et beaucoup de repos. À Montbard, au milieu d’un jardin orné, s’élève une tour antique : c’est là que M. de Buffon a écrit l’histoire de la nature ; c’est de là que sa renommée s’est répandue dans l’univers. Il y venoit au lever du soleil, et nul importun n’avoit le droit de l’y troubler. Le calme du matin, les premiers chants des oiseaux, l’aspect varié des campagnes, tout ce qui frappoit ses sens, le rappeloit à son modèle. Libre, indépendant, il erroit dans les allées ; il précipitoit, il modéroit, il suspendoit sa marche, tantôt la tête vers le ciel, dans le mouvement de l’inspiration et satisfait de sa pensée ; tantôt recueilli, cherchant, ne trouvant pas, ou prêt à produire ; il écrivoit, il effaçoit, il écrivoit de nouveau pour effacer encore ; ras-