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LX
ÉLOGE DE BUFFON

parle. La statue de M. l’abbé de Condillac, calme, tranquille, ne s’étonne de rien, parce que tout est prévu, tout est expliqué par son auteur. Il n’en est pas de même de celle de M. de Buffon ; tout l’inquiète, parce qu’abandonnée à elle-même, elle est seule dans l’univers ; elle se meut, elle se fatigue, elle s’endort, son réveil est une seconde naissance ; et, comme le trouble de ses esprits fait une partie de son charme, il doit excuser une partie de ses erreurs. Plus l’homme de M. l’abbé de Condillac avance dans la carrière de son éducation, plus il s’éclaire ; il parvient enfin à généraliser ses idées, et à découvrir en lui-même les causes de sa dépendance et les sources de sa liberté. Dans la statue de M. de Buffon, ce n’est pas la raison qui se perfectionne, c’est le sentiment qui s’exalte ; elle s’empresse de jouir ; c’est Galatée qui s’anime sous le ciseau de Pygmalion, et l’amour achève son existence. Dans ces productions de deux de nos grands hommes, je ne vois rien de semblable. Dans l’une, on admire une poésie sublime ; dans l’autre, une philosophie profonde. Pourquoi se traitoient-ils en rivaux, puisqu’ils alloient par des chemins différents à la gloire, et que tous les deux étoient également sûrs d’y arriver ?

Aux discours sur la nature des animaux succéda leur description. Aucune production semblable n’avoit encore attiré les regards des hommes. Swammerdam avoit écrit sur les insectes. Occupé des mêmes travaux, Réaumur avoit donné à l’histoire naturelle le premier asile qu’elle ait eu parmi nous, et ses ouvrages, quoique diffus, étoient recherchés. Ce fut alors que M. de Buffon se montra. Fort de la conscience de son talent, il commanda l’attention. Il s’attacha d’abord à détruire