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LVII
PAR VICQ D’AZYR.

et que se développe leur industrie : de sorte que les plus imparfaits de tous sont ceux par qui ne fut jamais pressé le sein qui les porta, et que le premier est l’homme qui, si long-temps foible, doit à celle dont il a reçu le jour, tant de caresses, tant d’innocents plaisirs, tant de douces paroles, tant d’idées et de raisonnements, tant d’expériences et de savoir ; que, sans cette première instruction qui forme l’esprit, il demeureroit peut-être muet et stupide parmi les animaux auxquels il devoit commander.

Les idées morales sont toutes appuyées sur des vérités physiques ; et, comme celles-ci résultent de l’observation et de l’expérience, les premières naissent de la réflexion et de la philosophie. M. de Buffon, en les mêlant avec art les unes aux autres, a su tout animer et tout embellir. Il en a fait surtout le plus ingénieux usage pour combattre les maux que répand parmi les hommes la peur de mourir. Tantôt, s’adressant aux personnes les plus timides, il leur dit que le corps énervé ne peut éprouver de vives souffrances au moment de sa dissolution. Tantôt, voulant convaincre les lecteurs les plus éclairés, il leur montre dans le désordre apparent de la destruction, un des effets de la cause qui conserve et qui régénère ; il leur fait remarquer que le sentiment de l’existence ne forme point en nous une trame continue, que ce fil se rompt chaque jour par le sommeil, et que ces lacunes, dont personne ne s’effraie, appartiennent toutes à la mort. Tantôt, parlant aux vieillards, il leur annonce que le plus âgé d’entre eux, s’il jouit d’une bonne santé, conserve l’espérance légitime de trois années de vie ; que la mort se ralentit dans sa marche, à mesure