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LVI
ÉLOGE DE BUFFON

à l’autre, les hommes ne forment donc qu’une seule espèce ; ils ne composent qu’une même famille. Ainsi, c’est aux naturalistes qu’on doit les preuves physiques de cette vérité morale, que l’ignorance et la tyrannie ont si souvent méconnue, et que, depuis si longtemps, les Européens outragent, lorsqu’ils achètent leurs frères, pour les soumettre, sans relâche, à un travail sans salaire, pour les mêler à leurs troupeaux, et s’en former une propriété, dans laquelle il n’y a de légitime que la haine vouée par les esclaves à leurs oppresseurs, et les imprécations adressées, par ces malheureux, au ciel, contre tant de barbarie et d’impunité.

On avoit tant écrit sur les sens, que la matière paroissoit épuisée ; mais on n’avoit point indiqué l’ordre de leur prééminence dans les diverses classes d’animaux. C’est ce que M. de Buffon a fait ; et considérant que les rapports des sensations dominantes doivent être les mêmes que ceux des organes qui en sont le foyer, il en a conclu que l’homme, instruit surtout par le toucher, qui est un sens profond, doit être attentif, sérieux et réfléchi ; que le quadrupède, auquel l’odorat et le goût commande, doit avoir des appétits véhéments et grossiers ; tandis que l’oiseau, que l’œil et l’oreille conduisent, aura des sensations vives, légères, précipitées comme son vol, et étendues comme la sphère où il se meut en parcourant les airs.

En parlant de l’éducation, M. de Buffon prouve que, dans toutes les classes d’animaux, c’est par les soins assidus des mères que s’étendent les facultés des êtres sensibles ; que c’est par le séjour que les petits font près d’elles, que se perfectionne leur jugement,