rendu M. de Voltaire le confident de tout ce qu’elle entreprenoit pour répandre les lumières, établir la tolérance et adoucir les lois ; l’impératrice de Russie prodiguoit à M. de Buffon les marques de son admiration les plus capables de le toucher, en lui envoyant tout ce qui, dans ses vastes états, devoit le plus exciter sa curiosité, et en choisissant par une recherche ingénieuse les productions singulières qui pouvoient servir de preuves à ses opinions. Enfin il eut l’honneur de recevoir dans sa retraite de Montbard ce héros en qui l’Europe admire le génie de Frédéric et chérit l’humanité d’un sage, et qui vient aujourd’hui mêler ses regrets aux nôtres, et embellir par l’éclat de sa gloire la modeste simplicité des honneurs académiques.
M. de Buffon n’étoit occupé que d’un seul objet, n’avoit qu’un seul goût ; il s’étoit créé un style, et s’étoit fait une philosophie par ses réflexions plus encore que par l’étude : on ne doit donc pas s’étonner de ne trouver ni dans ses lettres, ni dans quelques morceaux échappés à sa plume, cette légèreté, cette simplicité qui doivent en être le caractère ; mais presque toujours quelques traits font reconnaître le peintre de la nature et dédommagent d’un défaut de flexibilité incompatible peut-être avec la trempe mâle et vigoureuse de son esprit. C’est à la même cause que l’on doit attribuer la sévérité de ses jugements, et cette sorte d’orgueil qu’on a cru observer en lui. L’indulgence suppose quelque facilité à se prêter aux idées et à la manière d’autrui, et il est difficile d’être sans orgueil, quand, occupé sans cesse d’un grand objet qu’on a dignement rempli, on est forcé en quelque sorte de porter toujours avec soi le sentiment de sa supériorité.