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XXXVIII
ÉLOGE DE BUFFON

Mais peut-être a-t-il cru que le meilleur moyen de détruire les erreurs en métaphysique et en morale, étoit de multiplier les vérités d’observations dans les sciences naturelles ; qu’au lieu de combattre l’homme ignorant et opiniâtre, il falloit lui inspirer le désir de s’instruire : il étoit plus utile, selon lui, de prémunir les générations suivantes contre l’erreur, en accoutumant les esprits à se nourrir de vérités même indifférentes, que d’attaquer de front les préjugés enracinés et liés avec l’amour-propre, l’intérêt ou les passions de ceux qui les ont adoptés. La nature a donné à chaque homme son talent, et la sagesse consiste à y plier sa conduite : l’un est fait pour combattre, l’autre pour instruire ; l’un pour corriger et redresser les esprits, l’autre pour les subjuguer et les entraîner après lui.

D’ailleurs, M. de Buffon vouloit élever le monument de l’Histoire naturelle, il vouloit donner une nouvelle forme au Cabinet du Roi, il avoit besoin et de repos et du concours général des suffrages : or, quiconque attaque des erreurs, ou laisse seulement entrevoir son mépris pour elles, doit s’attendre à voir ses jours troublés, et chacun de ses pas embarrassé par des obstacles. Un vrai philosophe doit combattre les ennemis qu’il rencontre sur la route qui le conduit à la vérité, mais il seroit maladroit d’en appeler de nouveaux par des attaques imprudentes.

Peu de savants, peu d’écrivains, ont obtenu une gloire aussi populaire que M. de Buffon, et il eut le bonheur de la voir continuellement s’accroître à mesure que les autres jouissances diminuant pour lui, celles de l’amour-propre lui devenoient plus nécessaires. Il n’essuya que peu de critiques, parce qu’il avoit