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XXXII
ÉLOGE DE BUFFON

ment à l’empire de la raison et à celui de l’exemple ; l’enthousiasme exagéré, qui fait admirer jusqu’aux défauts des hommes illustres, donne à ces maladroites imitations une vogue momentanée ; mais à la longue il ne reste que ce qui est vraiment beau ; et comme Corneille et Bossuet ont contribué à donner à notre langue, l’un plus de force, l’autre plus d’élévation et de hardiesse, M. de Buffon lui aura fait acquérir plus de magnificence et de grandeur, comme Rousseau l’aura instruite à former des accents plus fiers et plus passionnés.

Le style de M. de Buffon n’offre pas toujours le même degré de perfection ; mais, dans tous les morceaux destinés à l’effet, il a cette correction, cette pureté, sans lesquelles, lorsqu’une langue est une fois formée, on ne peut atteindre à une célébrité durable. S’il s’est permis quelquefois d’être négligé, c’est uniquement dans les discussions purement scientifiques, où les taches qu’il a pu laisser ne nuisent point à des beautés, et servent peut-être à faire mieux goûter les peintures brillantes qui les suivent.

C’étoit par un long travail qu’il parvenoit à donner à son style ce degré de perfection, et il continuoit de le corriger jusqu’à ce qu’il eût effacé toutes les traces du travail, et qu’à force de peine il lui eût donné de la facilité ; car cette qualité si précieuse n’est, dans un écrivain, que l’art de cacher ses efforts, de présenter ses pensées, comme s’il les avoit conçues d’un seul jet, dans l’ordre le plus naturel ou le plus frappant, revêtues des expressions les plus propres ou les plus heureuses ; et cet art, auquel le plus grand charme du style est attaché, n’est cependant que le résultat d’une longue suite d’observations fugitives et d’attentions minutieuses.