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THÉORIE DE LA TERRE.

On avoit déjà découvert, du temps de Christophe Colomb, les Açores, les Canaries, Madère : on avoit remarqué que lorsque les vents d’ouest avoient régné long-temps, la mer amenoit sur les côtes de ces îles des morceaux de bois étrangers, des cannes d’une espèce inconnue, et même des corps morts qu’on reconnoissoit à plusieurs signes n’être ni Européens ni Africains[1]. Colomb lui-même remarqua que du côté de l’ouest il venoit certains vents qui ne duroient que quelques jours, et qu’il se persuada être des vents de terre ; cependant, quoiqu’il eût sur les anciens tous ces avantages et la boussole, les difficultés qui restoient à vaincre étoient encore si grandes, qu’il n’y avoit que le succès qui pût justifier l’entreprise : car supposons pour un instant que le continent du Nouveau-Monde eût été plus éloigné, par exemple, à mille ou quinze cents lieues plus loin qu’il n’est en effet, chose que Colomb ne pouvoit ni savoir ni prévoir, il n’y seroit pas arrivé, et peut-être ce grand pays seroit-il inconnu. Cette conjecture est d’autant mieux fondée, que Colomb, quoique le plus habile navigateur de son siècle, fut saisi de frayeur et d’étonnement dans son second voyage au Nouveau-Monde ; car, comme la première fois il n’avoit trouvé que des îles, il dirigea sa route plus au midi pour tâcher de découvrir une terre ferme, et il fut arrêté par les courants, dont l’étendue considérable, et la direction toujours opposée à sa route, l’obligèrent à retourner pour chercher terre à l’occident : il s’imaginoit que ce qui l’avoit empêché d’avancer du côté du midi, n’é-

  1. Voyez l’Histoire de Saint-Domingue, par le P. Charlevoix, tom. I, pages 66 et suivantes.