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XXIX
PAR CONDORCET.

vérités, mais forcer à les admettre, mais inspirer le désir d’en chercher de nouvelles, les hommes éloquents, nés avec le talent de répandre la vérité ou d’exciter le génie des découvertes, mériteroient d’être placés au niveau des inventeurs, puisque sans eux ces inventeurs n’auroient pas existé, ou auroient vu leurs découvertes demeurer inutiles et dédaignées.

Quand même une imitation mal entendue de M. de Buffon auroit introduit dans les livres d’histoire naturelle le goût des systèmes vagues et des vaines déclamations, ce mal seroit nul en comparaison de tout ce que cette science doit à ses travaux : les déclamations, les systèmes passent, et les faits restent. Ces livres qu’on a surchargés d’ornements pour les faire lire, seront oubliés ; mais ils renferment quelques vérités ; elles survivront à leur chute.

On peut diviser en deux classes les grands écrivains dont les ouvrages excitent une admiration durable, et sont lus encore lorsque les idées qu’ils renferment, rendues communes par cette lecture même, ont perdu leur intérêt et leur utilité. Les uns, doués d’un tact fin et sûr, d’une âme sensible, d’un esprit juste, ne laissent dans leurs ouvrages rien qui ne soit écrit avec clarté, avec noblesse, avec élégance, avec cette propriété de termes, cette précision d’idées et d’expressions qui permet au lecteur d’en goûter les beautés sans fatigue, sans qu’aucune sensation pénible vienne troubler son plaisir.

Quelque sujet qu’ils traitent, quelques pensées qui naissent dans leur esprit, quelque sentiment qui occupe leur âme, ils l’expriment tel qu’il est avec toutes ses nuances, avec toutes les images qui l’accompagnent. Ils ne cherchent point l’expression, elle s’of-