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XXVIII
ÉLOGE DE BUFFON

doute on avoit cherché avant lui à faire sentir la nécessité de l’étude de la nature ; la science n’étoit pas négligée ; la curiosité humaine s’étoit portée dans les pays éloignés, avoit voulu connoître la surface de la terre, et pénétrer dans son sein ; mais on peut appliquer à M. de Buffon ce que lui-même a dit d’un autre philosophe également célèbre, son rival dans l’art d’écrire, comme lui plus utile peut-être par l’effet de ses ouvrages que par les vérités qu’ils renferment : D’autres avoient dit les mêmes choses ; mais il les a commandées au nom de la nature, et on lui a obéi.

Peut-être le talent d’inspirer aux autres son enthousiasme, de les forcer de concourir aux mêmes vues, n’est pas moins nécessaire que celui des découvertes, au perfectionnement de l’espèce humaine ; peut-être n’est-il pas moins rare, n’exige-t-il pas moins ces grandes qualités de l’esprit qui nous forcent à l’admiration. Nous l’accordons à ces harangues célèbres que l’antiquité nous a transmises, et dont l’effet n’a duré qu’un seul jour ; pourrions-nous la refuser à ceux dont les ouvrages produisent sur les hommes dispersés, des effets plus répétés et plus durables ? Nous l’accordons à celui dont l’éloquence, disposant des cœurs d’un peuple assemblé, lui a inspiré une résolution généreuse ou salutaire ; pourroit-on la refuser à celui dont les ouvrages ont changé la pente des esprits, les ont portés à une étude utile, et ont produit une révolution qui peut faire époque dans l’histoire des sciences ?

Si donc la gloire doit avoir l’utilité pour mesure, tant que l’espèce humaine n’obéira pas à la seule raison, tant qu’il faudra non seulement découvrir des