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XXVII
PAR CONDORCET.

venue la langue de l’Europe, et M. de Buffon eut partout des lecteurs et des disciples. Mais ce qui est plus glorieux, parce qu’il s’y joint une utilité réelle, le succès de ce grand ouvrage fut l’époque d’une révolution dans les esprits ; on ne put le lire sans avoir envie de jeter au moins un coup d’œil sur la nature, et l’histoire naturelle devint une connoissance presque vulgaire ; elle fut pour toutes les classes de la société, ou un amusement, ou une occupation ; on voulut avoir un cabinet comme on vouloit avoir une bibliothèque. Mais le résultat n’en est pas le même ; car dans les bibliothèques on ne fait que répéter les exemplaires des mêmes livres : ce sont au contraire des individus différents qu’on rassemble dans les cabinets ; ils s’y multiplient pour les naturalistes, à qui dès lors les objets dignes d’être observés échappent plus difficilement.

La botanique, la métallurgie, les parties de l’histoire naturelle immédiatement utiles à la médecine, au commerce, aux manufactures, avoient été encouragées : mais c’est à la science même, à cette science comme ayant pour objet la connoissance de la nature, que M. de Buffon a su le premier intéresser les souverains, les grands, les hommes publics de toutes les nations. Plus sûrs d’obtenir des récompenses, pouvant aspirer enfin à cette gloire populaire que les vrais savants savent apprécier mieux que les autres hommes, mais qu’ils ne méprisent point, les naturalistes se sont livrés à leurs travaux avec une ardeur nouvelle ; on les a vus se multiplier à la voix de M. de Buffon dans les provinces comme dans les capitales, dans les autres parties du monde comme dans l’Europe. Sans