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THÉORIE DE LA TERRE.

poissons, qui n’entra pas dans l’arche, auroit-elle pu être conservée si la terre eût été dissoute dans l’eau ou seulement si les eaux eussent été assez agitées pour transporter les coquilles des Indes en Europe, etc. ?

Cependant cette supposition, que c’est le déluge universel qui a transporté les coquilles de la mer dans tous les climats de la terre, est devenue l’opinion ou plutôt la superstition du commun des naturalistes. Woodward, Scheuchzer, et quelques autres appellent ces coquilles pétrifiées les restes du déluge ; ils les regardent comme les médailles et les monuments que Dieu nous a laissés de ce terrible événement, afin qu’il ne s’effaçât jamais de la mémoire du genre humain ; enfin ils ont adopté cette hypothèse avec tant de respect, pour ne pas dire d’aveuglement, qu’ils ne paraissent s’être occupés qu’à chercher les moyens de concilier l’Écriture-Sainte avec leur opinion, et qu’au lieu de se servir de leurs observations et d’en tirer des lumières, ils se sont enveloppés dans les nuages d’une théologie physique, dont l’obscurité et la petitesse dérogent à la clarté et à la dignité de la religion, et ne laissent apercevoir aux incrédules qu’un mélange ridicule d’idées humaines et de faits divins. Prétendre en effet expliquer le déluge universel et ses causes physiques, vouloir nous apprendre le détail de ce qui s’est passé dans le temps de cette grande révolution, deviner quels en ont été les effets, ajouter des faits à ceux du livre sacré, tirer des conséquences de ces faits, n’est-ce pas vouloir mesurer la puissance du Très-Haut ? Les merveilles que sa main bienfaisante opère dans la nature d’une manière uniforme et régulière, sont incompréhensibles, et à plus forte raison les coups