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XXIV
ÉLOGE DE BUFFON

et il auroit fallu marquer, pour chaque genre de vérités et d’actions, le degré de probabilité où il commence à être raisonnable de croire et permis d’agir.

C’est par respect pour les talents de notre illustre confrère que nous nous permettons de faire ici ces observations. Lorsque des opinions qui paroissent erronées se trouvent dans un livre fait pour séduire l’esprit comme pour l’éclairer, c’est presque un devoir d’avertir de les soumettre à un examen rigoureux. L’admiration dispose si facilement à la croyance, que les lecteurs, entraînés à la fois par le nom de l’auteur et par le charme du style, cèdent sans résistance, et semblent craindre que le doute, en affoiblissant un enthousiasme qui leur est cher, ne diminue leur plaisir. Mais on doit encore ici a M. de Buffon, sinon d’avoir répandu une lumière nouvelle sur cette partie des mathématiques et de la philosophie, du moins d’en avoir fait sentir l’utilité, peut-être même d’en avoir appris l’existence à une classe nombreuse qui n’auroit pas été en chercher les principes dans les ouvrages des géomètres, enfin d’en avoir montré la liaison avec l’histoire naturelle de l’homme. C’est avoir contribué aux progrès d’une science qui, soumettant au calcul les événements dirigés par des lois que nous nommons irrégulières, parce qu’elles nous sont inconnues, semble étendre l’empire de l’esprit humain au delà de ses bornes naturelles, et lui offrir un instrument à l’aide duquel ses regards peuvent s’étendre sur des espaces immenses, que peut-être il ne lui sera jamais permis de parcourir.

On a reproché à la philosophie de M. de Buffon non seulement ces systèmes généraux dont nous avons