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THÉORIE DE LA TERRE.

terres voisines. Il ne faut qu’une langue de terre de cinq ou six pieds d’épaisseur pour contenir l’eau et l’empêcher de s’échapper ; et j’ai souvent observé que les bords des ruisseaux et des mares ne sont pas sensiblement humides à six pouces de distance. Il est vrai que l’étendue de la filtration est plus ou moins grande, selon que le terrain est plus ou moins pénétrable : mais si l’on examine les ravines qui se forment dans les terres et même dans les sables, on reconnoîtra que l’eau passe toute dans le petit espace qu’elle se creuse elle-même, et qu’à peine les bords sont mouillés à quelques pouces de distance dans ces sables. Dans les terres végétales même, où la filtration doit être beaucoup plus grande que dans les sables et dans les autres terres, puisqu’elle est aidée de la force du tuyau capillaire, on ne s’aperçoit pas qu’elle s’étende fort loin. Dans un jardin on arrose abondamment, et on inonde, pour ainsi dire, une planche, sans que les planches voisines s’en ressentent considérablement. J’ai remarqué, en examinant de gros monceaux de terre de jardin de huit ou dix pieds d’épaisseur, qui n’avoient pas été remués depuis quelques années, et dont le sommet étoit à peu près de niveau, que l’eau des pluies n’a jamais pénétré à plus de trois ou quatre pieds de profondeur ; en sorte qu’en remuant cette terre au printemps après un hiver fort humide, j’ai trouvé la terre de l’intérieur de ces monceaux aussi sèche que quand on l’avoit amoncelée. J’ai fait la même observation sur des terres accumulées depuis près de deux cents ans : au dessous de trois ou quatre pieds de profondeur, la terre étoit aussi sèche que la poussière. Ainsi l’eau