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THÉORIE DE LA TERRE.

peu considérable dans les mers septentrionales, tandis qu’il y en a une quantité prodigieuse dans la zone

    vitrescibles, et qu’on ne trouve point de coquilles sur plusieurs de ces sommets ; cela prouve que ces montagnes n’ont pas été composées par les eaux, mais produites par le feu primitif, et qu’elles sont aussi anciennes que le temps de la consolidation du globe. Toutes les pointes et les noyaux de ces montagnes étant composés de matières vitrescibles, semblables à la roche intérieure du globe, elles sont également l’ouvrage du feu primitif, lequel a le premier établi ces masses de montagnes, et formé les grandes inégalités de la surface de la terre. L’eau n’a travaillé qu’en second, postérieurement au feu, et n’a pu agir qu’à la hauteur où elle s’est trouvée après la chute entière des eaux de l’atmosphère et l’établissement de la mer universelle, laquelle a déposé successivement les coquillages qu’elle nourrissoit et les autres matières qu’elle délayoit ; ce qui a formé les couches d’argiles et de matières calcaires qui composent nos collines, et qui enveloppent les montagnes vitrescibles jusqu’à une grande hauteur.

    Au reste, lorsque j’ai dit que les montagnes du Nord ne sont que des collines en comparaison des montagnes du Midi, cela n’est vrai que pris généralement ; car il y a dans le nord de l’Asie de grandes portions de terre qui paroissent être fort élevées au dessus du niveau de la mer ; et en Europe les Pyrénées, les Alpes, le mont Carpate, les montagnes de Norwège, les monts Riphées et Rymniques, sont de hautes montagnes ; et toute la partie méridionale de la Sibérie, quoique composée de vastes plaines et de montagnes médiocres, paroît être encore plus élevée que le sommet des monts Riphées ; mais ce sont peut-être les seules exceptions qu’il y ait à faire ici ; car non seulement les plus hautes montagnes se trouvent dans les climats plus voisins de l’équateur que des pôles, mais il paroît que c’est dans ces climats méridionaux où se sont faits les plus grands bouleversements intérieurs et extérieurs, tant par l’effet de la force centrifuge dans le premier temps de la consolidation, que par l’action plus fréquente des feux souterrains et le mouvement plus violent du flux et du reflux dans les temps subséquents. Les tremblements de terre sont si fréquents dans l’Inde méridionale, que les naturels du pays ne donnent pas d’autre épithète à l’Être tout-puissant que celui de remueur de terre. Tout l’archipel indien ne semble être qu’une mer de volcans agissants ou éteints : on ne peut donc pas douter que les inégalités du globe ne soient beaucoup plus grandes vers l’équateur que vers les pôles ; on pourroit même assurer que cette