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XVI
ÉLOGE DE BUFFON

zani sur les mêmes liqueurs et sur les mêmes infusions sembloient également détruire, jusque dans son principe, le système des molécules organiques. Mais lorsque, dégagé des liens de ce système, M. de Buffon n’est plus que peintre, historien et philosophe, avec quel intérêt, parcourant l’univers sur ses traces, on voit l’homme, dont le fond est partout le même, modifié lentement par l’action continue du climat, du sol, des habitudes, des préjugés, changer de couleur et de physionomie comme de goût et d’opinion, acquérir ou perdre de la force, de l’adresse, de la beauté, comme de l’intelligence, de la sensibilité et des vertus ! Avec quel plaisir on suit dans son ouvrage l’histoire des progrès de l’homme, et même celle de sa décadence ! On étudie les lois de cette correspondance constante entre les changements physiques des sens ou des organes, et ceux qui s’opèrent dans l’entendement ou dans les passions ; on apprend à connoître le mécanisme de nos sens, ses rapports avec nos sensations ou nos idées, les erreurs auxquelles ils nous exposent, la manière dont nous apprenons à voir, à toucher à entendre, et comment l’enfant, de qui les yeux foibles et incertains apercevoient à peine un amas confus de couleurs, parvient, par l’habitude et la réflexion, à saisir d’un coup d’œil le tableau d’un vaste horizon, et s’élève jusqu’au pouvoir de créer et de combiner des images. Avec quelle curiosité enfin on observe ces détails qui intéressent le plus vif de nos plaisirs et le plus doux de nos sentiments, ces secrets de la nature et de la pudeur auxquels la majesté du style et la sévérité des réflexions donnent de la décence et une sorte de dignité philosophique qui permettent aux