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THÉORIE DE LA TERRE.

espèces. Il paroît aussi que les eaux de la mer ont séjourné quelque temps sur cette terre, puisqu’on trouve en plusieurs endroits des bancs de coquilles si prodigieux et si étendus, qu’il n’est pas possible qu’une aussi grande[1] multitude d’animaux ait été tout à la fois vivante en même temps. Cela semble prouver aussi que, quoique les matières qui composent la surface de la terre fussent alors dans un état de mollesse qui les rendoit susceptibles d’être aisément divisées, remuées et transportées par les eaux, ces mouvements ne se sont pas faits tout à coup, mais successivement et par degrés ; et comme on trouve quelquefois des productions de la mer à mille et douze cents pieds de profondeur, il paroît que cette épaisseur de terre ou de pierre étant si considérable, il a fallu des années pour la produire ; car, quand on voudroit supposer que dans le déluge universel tous les coquillages eussent été enlevés du fond des mers et transportés sur toutes les parties de la terre, outre que cette supposition seroit difficile à établir[2], il est clair que comme on trouve ces coquilles incorporées et pétrifiées dans les marbres et dans les rochers des plus hautes montagnes, il faudroit donc supposer que ces marbres et ces rochers eussent été tous formés en même temps et précisément dans l’instant du déluge, et qu’avant cette grande révolution il n’y avoit sur le globe terrestre ni

    les eaux, et que les endroits où on ne trouve point de coquilles, indiquent seulement que les animaux qui les ont produites ne s’y sont pas habitués, et que les mouvements de la mer n’y ont point amené les débris de ses productions, comme elle en a amené sur tout le reste de la surface du globe. (Add. Buff.)

    * M. Le Gentil, de l’Académie des Sciences, m’a communiqué par écrit, le 4 décembre 1771, le fait suivant : « Don Antonio de Ulloa, dit-il, me chargea, en passant par Cadix, de remettre de sa part à l’Académie deux coquilles pétrifiées, qu’il tira l’année 1761 de la montagne où est le vif-argent, dans le gouvernement de Guanca-Velica au Pérou, dont la latitude méridionale est de 13 à 14 degrés. À l’endroit où ces coquilles ont été tirées, le mercure se soutient à 17 pouces 1 ligne 1 quart ; ce qui répond à 2222 toises 1 tiers de hauteur au dessus du niveau de la mer.

    » Au plus haut de la montagne, qui n’est pas à beaucoup près la plus élevée de ce canton, le mercure se soutient à 16 pouces 6 lignes ; ce qui répond à 2337 toises 2 tiers.

    » À la ville de Guanca-Velica, le mercure se soutient à 16 pouces 1 ligne et demie, qui répondent à 1949 toises.

    » Don Antonio de Ulloa m’a dit qu’il a détaché ces coquilles d’un banc fort épais, dont il ignore l’étendue, et qu’il travailloit actuellement à un mémoire relatif à ces observations : ces coquilles sont du genre des peignes ou des grandes pélerines. »

  1. Voyez les Preuves, art. VIII.
  2. Voyez les Preuves, art. V.