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L’HISTOIRE NATURELLE.

lorsqu’on a beaucoup raisonné et calculé sur les rapports et les propriétés de cet être abstrait, et qu’on est arrivé à une conclusion tout aussi abstraite, on croit avoir trouvé quelque chose de réel, et on transporte ce résultat idéal dans le sujet réel ; ce qui produit une infinité de fausses conséquences et d’erreurs.

C’est ici le point le plus délicat et le plus important de l’étude des sciences : savoir bien distinguer ce qu’il y a de réel dans un sujet de ce que nous y mettons d’arbitraire en le considérant, reconnoître clairement les propriétés qui lui appartiennent et celles que nous lui prêtons, me paroît être le fondement de la vraie méthode de conduire son esprit dans les sciences ; et si on ne perdoit jamais de vue ce principe, on ne feroit pas une fausse démarche, on éviteroit de tomber dans ces erreurs savantes qu’on reçoit souvent comme des vérités : on verroit disparoître les paradoxes, les questions insolubles des sciences abstraites ; on reconnoîtroit les préjugés et les incertitudes que nous portons nous-mêmes dans les sciences réelles ; on viendroit alors à s’entendre sur la métaphysique des sciences ; on cesseroit de disputer, et on se réuniroit pour marcher dans la même route à la suite de l’expérience, et arriver enfin à la connoissance de toutes les vérités qui sont du ressort de l’esprit humain.

Lorsque les sujets sont trop compliqués pour qu’on puisse y appliquer avec avantage le calcul et les mesures, comme le sont presque tous ceux de l’histoire naturelle et de la physique particulière, il me paroît que la vraie méthode de conduire son esprit dans ces recherches, c’est d’avoir recours aux observations, de les rassembler, d’en faire de nouvelles, et en assez