Page:Buffon - Oeuvres completes, 1829, T01.djvu/176

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
92
MANIÈRE D’ÉTUDIER

après en avoir apprécié au juste les vraisemblances et en avoir pesé les probabilités.

C’est ici où l’on a besoin de méthode pour conduire son esprit, non pas de celle dont nous avons parlé, qui ne sert qu’à arranger arbitrairement des mots, mais de cette méthode qui soutient l’ordre même des choses, qui guide notre raisonnement, qui éclaire nos vues, les étend, et nous empêche de nous égarer. Les plus grands philosophes ont senti la nécessité de cette méthode, et même ils ont voulu nous en donner des principes et des essais : mais les uns ne nous ont laissé que l’histoire de leurs pensées, et les autres la fable de leur imagination ; et quelques uns se sont élevés à ce haut point de métaphysique d’où l’on peut voir les principes, les rapports, et l’ensemble des sciences ; aucun ne nous a sur cela communiqué ses idées, aucun ne nous a donné des conseils, et la méthode de bien conduire son esprit dans les sciences est encore à trouver : au défaut de préceptes, on a substitué des exemples ; au lieu de principes, on a employé des définitions ; au lieu de faits avérés, des suppositions hasardées.

Dans ce siècle même, où les sciences paroissent être cultivées avec soin, je crois qu’il est aisé de s’apercevoir que la philosophie est négligée, et peut-être plus que dans aucun autre siècle ; les arts qu’on veut appeler scientifiques ont pris sa place ; les méthodes de calcul et de géométrie, celles de botanique et d’histoire naturelle, les formules, en un mot, et les dictionnaires, occupent presque tout le monde : on s’imagine savoir davantage, parce qu’on a augmenté le nombre des expressions symboliques et des phrases