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XI
PAR CONDORCET.

jamais son goût jusqu’alors partagé entre différentes sciences ; et sans renoncer à aucune, ce ne fut plus que dans leurs rapports avec l’histoire naturelle qu’il se permit de les envisager.

Obligé d’étudier les détails de cette science si vaste, de parcourir les compilations immenses où l’on avoit recueilli les observations de tous les pays et de tous les siècles, bientôt son imagination éprouva le besoin de peindre ce que les autres avoient décrit ; sa tête, exercée à former des combinaisons, sentit celui de saisir des ensembles où les observateurs ne lui offroient que des faits épars et sans liaison.

Il osa donc concevoir le projet de rassembler tous ces faits, d’en tirer des résultats généraux qui devinssent la théorie de la nature, dont les observations ne sont que l’histoire ; de donner de l’intérêt et de la vie à celle des animaux, en mêlant un tableau philosophique de leurs mœurs et de leurs habitudes à des descriptions embellies de toutes les couleurs dont l’art d’écrire pouvoit les orner ; de créer enfin pour les philosophes, pour tous les hommes qui ont exercé leur esprit ou leur âme, une science qui n’existoit encore que pour les naturalistes.

L’immensité de ce plan ne le rebuta point ; il prévoyoit sans doute qu’avec un travail assidu de tous les jours, continué pendant une longue vie, il n’en pourroit encore exécuter qu’une partie : mais il s’agissoit surtout de donner l’exemple et d’imprimer le mouvement aux esprits. La difficulté de répandre de l’intérêt sur tant d’objets inanimés ou insipides ne l’arrêta point ; il avoit déjà cette conscience de talent qui, comme la conscience morale, ne trompe jamais