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DISCOURS ACADÉMIQUES.

Mirabaud a joui lui-même de ce bien qu’il nous a fait ; il a eu la satisfaction, pendant ses dernières années, de voir les premiers fruits de cet heureux choix. Le grand âge n’avoit point affaissé l’esprit ; il n’avoit altéré ni ses sens, ni ses facultés intérieures : les tristes impressions du temps ne s’étoient marquées que par le dessèchement du corps. À quatre-vingt-six ans, M. de Mirabaud avoit encore le feu de la jeunesse et la sève de l’âge mûr, une gaieté vive et douce, une sérénité dame, une aménité de mœurs qui faisoient disparoître la vieillesse, ou ne la laissoient voir qu’avec cette espèce d’attendrissement qui suppose bien plus que du respect. Libre de passions, et sans autres liens que ceux de l’amitié, il étoit plus à ses amis qu’à lui-même : il a passé sa vie dans une société dont il faisoit les délices ; société douce, quoique intime, que la mort seule a pu dissoudre.

Ses ouvrages portent l’empreinte de son caractère : plus un homme est honnête, et plus ses écrits lui ressemblent. M. de Mirabaud joignoit toujours le sentiment à l’esprit, et nous aimons à le lire comme nous aimions à l’entendre ; mais il avoit si peu d’attachement pour ses productions, il craignoit si fort et le bruit et l’éclat, qu’il a sacrifié celles qui pouvoient le plus contribuer à sa gloire. Nulle prétention, malgré son mérite éminent ; nul empressement à se faire valoir ; nul penchant à parler de soi ; nul désir, ni apparent ni caché, de se mettre au dessus des autres : ses propres talents n’étoient à ses yeux que des droits qu’il avoit acquis pour être plus modeste, et il paroissoit n’avoir cultivé son esprit que pour élever son âme et perfectionner ses vertus.