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brisez, des contrées englouties, des isles nouvelles, des terreins submergez, des cavernes comblées ; nous trouvons des matières pesantes souvent posées sur des matières légères, des corps durs environnez de substances molles, des choses sèches, humides, chaudes, froides, solides, friables, toutes mêlées & dans une espèce de confusion qui ne nous présente d’autre image que celle d’un amas de débris & d’un monde en ruine.

Cependant nous habitons ces ruines avec une entière sécurité ; les générations d’hommes, d’animaux, de plantes se succèdent sans interruption, la terre fournit abondamment à leur subsistance ; la mer a des limites & des loix, ses mouvemens y sont assujétis, l’air a ses courans [1] réglez, les saisons ont leurs retours périodiques & certains, la verdure n’a jamais manqué de succéder aux frimats : tout nous paroît être dans l’ordre ; la terre qui tout à l’heure n’étoit qu’un cahos, est un séjour délicieux où règnent le calme & l’harmonie, où tout est animé & conduit avec une puissance & une intelligence qui nous remplissent d’admiration & nous élèvent jusqu’au Créateur.

Ne nous pressons donc pas de prononcer sur l’irrégularité que nous voyons à la surface de la terre, & sur le désordre apparent qui se trouve dans son intérieur, car nous en reconnoîtrons bien-tôt l’utilité & même la nécessité ; & en y faisant plus d’attention nous y trouverons peut-être un ordre que nous ne soupçonnions pas, & des rapports généraux que nous n’apercevions pas au premier coup

  1. [note originale] Voyez les preuves, art. 14.