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si grand nombre d’objets étrangers auxquels on donne son nom, que je ne suis pas surpris qu’on ait de la peine à la reconnoître. Les préjugés & les fausses applications se sont multipliez à mesure que nos hypothèses ont été plus sçavantes, plus abstraites & plus perfectionnées ; il est donc plus difficile que jamais de reconnoître ce que nous pouvons sçavoir, & de le distinguer nettement de ce que nous devons ignorer. Les réflexions suivantes serviront au moins d’avis sur ce sujet important.

Le mot de vérité ne fait naître qu’une idée vague, il n’a jamais eu de définition précise, & la définition elle-même prise dans un sens général & absolu, n’est qu’une abstraction qui n’existe qu’en vertu de quelque supposition ; au lieu de chercher à faire une définition de la vérité, cherchons donc à faire une énumération, voyons de près ce qu’on appelle communément vérités, & tâchons de nous en former des idées nettes.

Il y a plusieurs espèces de vérités, & on a coûtume de mettre dans le premier ordre les vérités mathématiques, ce ne sont cependant que des vérités de définitions ; ces définitions portent sur des suppositions simples, mais abstraites, & toutes les vérités en ce genre ne sont que des conséquences composées, mais toûjours abstraites, de ces définitions. Nous avons fait les suppositions, nous les avons combinées de toutes les façons, ce corps de combinaisons est la science mathématique ; il n’y a donc rien dans cette science que ce que nous y avons mis, & les vérités qu’on en tire ne peuvent être que des expressions