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dant l’hiver ; cependant on dit qu’en Silésie c’est en hiver qu’il se trouve de ces oiseaux sur les montagnes : ceux qui se sont égarés en France et en Angleterre y ont paru dans le fort de l’hiver, et toujours en petit nombre[1], ce qui donnerait lieu de croire que ce n’était en effet que des égarés qui avaient été séparés du gros de la troupe par quelque accident et qui étaient ou trop fatigués pour rejoindre leurs camarades, ou trop jeunes pour retrouver leur chemin. On pourrait encore inférer de ces faits que la France et l’Angleterre, de même que la Suisse, ne sont jamais sur la route que suivent les colonnes principales ; mais on n’en peut pas dire autant de l’Italie, car on a vu plusieurs fois ces oiseaux y arriver en très grand nombre, notamment en l’année 1571, au mois de décembre : il n’était pas rare d’y en voir des volées de cent et plus, et on en prenait souvent jusqu’à quarante à la fois. La même chose avait eu lieu au mois de février 1530[2], dans le temps que Charles-Quint se faisait couronner à Bologne ; car, dans les pays où ces oiseaux ne se montrent que de loin en loin, leurs apparitions font époque dans l’histoire politique, et d’autant plus que lorsqu’elles sont très nombreuses elles passent, on ne sait trop pourquoi, dans l’esprit des peuples pour annoncer la peste, la guerre ou d’autres malheurs ; cependant il faut excepter de ces malheurs au moins les tremblements de terre, car dans l’apparition de 1551 on remarqua que les jaseurs qui se répandirent dans le Modénois, le Plaisantin et dans presque toutes les parties de l’Italie[3], évitèrent constamment d’entrer dans le Ferrarais, comme s’ils eussent pressenti le tremblement de terre qui s’y fit peu de temps après et qui mit en fuite les oiseaux même du pays[4].

On ne sait pas précisément quelle est la cause qui les détermine à quitter ainsi leur résidence ordinaire pour voyager au loin : ce ne sont pas les grands froids, puisqu’ils se mettent en marche dès le commencement de l’automne, comme nous l’avons vu, et que d’ailleurs ils ne voyagent que

  1. Les deux dont parle le docteur Lister furent tués près d’York sur la fin de janvier ; les quatre dont parle Salerne furent trouvés dans un colombier de la Beauce au fort de l’hiver. On avait dit à Gessner que cet oiseau ne paraissait que rarement, et presque toujours en temps d’hiver, p. 520 ; mais dans le langage ordinaire le mot hiver peut bien signifier la fin de l’automne, qui est souvent la saison des frimas.
  2. Comme l’Italie est un pays plus chaud que l’Allemagne, ils peuvent s’y trouver encore plus tard, et je ne doute pas que dans des pays plus septentrionaux ils ne restassent une grande partie de l’hiver dans les années où cette saison ne serait pas rigoureuse.
  3. Voyez Aldrovandi Ornithologia, t. Ier, p. 800. Il est vrai que cet auteur ne parle à l’endroit cité que du Plaisantin et du Modénois, mais il avait dit plus haut qu’on lui avait envoyé des jaseurs sous différents noms de presque tous les cantons d’Italie, p. 796.
  4. Ibidem, t. Ier, p. 800.

    commencement de mars. C’est seulement au mois de juin 1857 que M. Wolley est parvenu à découvrir un nid de Jaseur. « Après que l’on eut trouvé le premier nid, dit Brehm, la moitié de la population de la Laponie se mit à en chercher et, dans l’été de 1858, on avait recueilli plus de six cents œufs. »