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apparemment sur de bons mémoires, qu’ils passent l’été et par conséquent font leur ponte dans les pays qui sont au delà de la Suède, mais ses correspondants ne lui ont appris aucun détail sur cette ponte et ses circonstances ; enfin M. de Strahlemberg a dit à Frisch qu’il en avait trouvé en Tartarie dans des trous de rochers : c’est sans doute dans ces trous qu’ils font leurs nids[NdÉ 1]. Au reste, quel que soit le domicile de choix des jaseurs, je veux dire celui où rencontrant une température convenable, une nourriture abondante et facile, et toutes les commodités relatives à leur façon de vivre, ils jouissent de l’existence et se sentent pressés de la transmettre à une nouvelle génération, toujours est-il vrai qu’ils ne sont rien moins que sédentaires, et qu’ils font des excursions dans toute l’Europe : ils se montrent quelquefois au nord de l’Angleterre[1], en France[2], en Italie[3], et sans doute en Espagne ; mais sur ce dernier article nous en sommes réduits aux simples conjectures, car il faut avouer que l’histoire naturelle de ce beau royaume, si riche, si voisin de nous, habité par une nation si renommée à tant d’autres égards, ne nous est guère plus connue que celle de la Californie et du Japon[4].

Les migrations des jaseurs sont assez régulières dans chaque pays quant à la saison ; mais s’ils voyagent tous les ans, comme Aldrovande l’avait ouï dire, il s’en faut bien qu’ils tiennent constamment la même route. Le jeune prince Adam d’Aversperg, chambellan de leurs Majestés Impériales, l’un des seigneurs de Bohême qui a les plus belles chasses et qui en fait le plus noble usage, puisqu’il les fait contribuer au progrès de l’histoire naturelle, nous apprend, dans un Mémoire adressé à M. de Buffon[5], que cet oiseau passe tous les trois ou quatre ans[6] des montagnes de Bohême et de Styrie dans l’Autriche au commencement de l’automne, qu’il s’en retourne sur la fin de cette saison, et que même en Bohême on n’en voit pas un seul pen-

  1. Le sujet représenté dans la Zoologie Britannique, pl. ci, avait été tiré sur les marais de Flamborough, dans la province d’York, et les deux qu’a vus le docteur Lister avaient été tués aux environs de la capitale de cette même province. Voyez la lettre de ce docteur à M. Ray, dans les Transactions philosophiques, no 175, art. 3.
  2. Il y a quelques années qu’il fut tué un jaseur à Marcilly près la Ferté-Lowendhal : depuis peu on en a pris quatre dans la Beauce au fort de l’hiver, lesquels s’étaient réfugiés dans un colombier. Voyez Salerne, Hist. nat. des oiseaux, p. 253.
  3. Aldrovandi Ornithologia, p. 796.
  4. Il paraît que Gessner n’avait point vu le jaseur, et il dit qu’il est rare presque partout, d’où l’on peut conclure qu’il est rare au moins en Suisse. De Avibus, p. 520 et 703.
  5. Ce prince a accompagné son Mémoire d’un jaseur empaillé qu’il conservait dans sa collection et dont il a fait présent au Cabinet du Roi.
  6. D’autres disent tous les cinq ans, d’autres tous les sept ans. Voyez Gessner, p. 703, Frisch, pl. 32.
  1. Le Jaseur d’Europe habite pendant presque toute l’année les régions septentrionales de l’Europe et de l’Amérique ; il n’émigre dans les parties moyennes de l’Europe que pendant les mois les plus rigoureux de l’hiver ; on le voit descendre en Allemagne vers le mois de novembre ; il remonte vers la Suède et la Norwège dès le mois de février ou le