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LE JASEUR[1]


L’attribut caractéristique qui distingue cet oiseau[NdÉ 1] de tout autre, ce sont de petits appendices rouges qui terminent plusieurs des pennes moyennes de ses ailes ; ces appendices ne sont autre chose qu’un prolongement de la côte au delà des barbes, lequel prolongement s’aplatit en s’élargissant en forme de petite palette, et prend une couleur rouge : on compte quelquefois jusqu’à huit pennes de chaque côté, lesquelles ont de ces appendices ; quelques-uns ont dit que les mâles en avaient sept et les femelles

  1. C’est la soixante-troisième grive de M. Brisson, t. II, p. 334, le γνάφαλος d’Aristote, (lib. ix, cap. xvi) ; ce mot grec signifie une espèce de matelas ou d’oreiller, et fait allusion aux plumes soyeuses du jaseur. C’est l’ampelis d’Aldrovande qui lui a appliqué cette dénomination, non d’après Aristote, comme l’a dit M. Brisson, mais d’après le poète Callimaque, comme nous l’apprend Aldrovande lui-même (t. Ier, p. 796), et sans être bien sûr que son ampelis, et celle du poète grec, fussent un seul et même oiseau. D’ailleurs ce nom d’ampelis ayant été donné plus anciennement à d’autres petits oiseaux, tels que le bec-figue (Gessner, p. 385) qui se nourrit de raisins comme le jaseur, Aldrovande ni M. Linnæus n’auraient pas dû l’appliquer à celui-ci. C’est le garrulus bohemicus de Gessner, p. 703 ; le bombycilla de Schwenckfeld, p. 229 ; le micro-phenix ; le galerita varia de Fabricio de Padoue ; le lanius remigibus secundariis, apice membranaceo colorato de M. Linnæus, g. 43, sp. 10 ; le turdus cristatus de Klein, p. 70, et de Frisch, pl. 32. Quelques-uns l’ont pris très mal à propos pour le merops d’Aristote, c’est-à-dire pour notre guêpier ; d’autres pour l’avis incendiaria des anciens, et par corruption incineraria, ou pour l’oiseau de la forêt hercynienne dont parle Pline, quoique ses plumes ne jettent point de feu pendant la nuit, comme on dit que faisaient celles de cet oiseau, si ce n’est peut-être un feu allégorique, car le jaseur a l’iris des yeux et les larmes des ailes couleur de feu. On a encore nommé cet oiseau avis bohemica, adepellus, pteroclia, fullo, gallulus sylvestres, zinzirella, et par corruption, zincirella, d’après son cri ordinaire qui est zi, zi, ri ; en allemand, zinzerelle, formé du précédent, boehmer, boeheimle, boehmische drostel, hauben drostel, pest-vogel, krieg vogel, wipstertz, seideschwantz, schnee-lesch, schnee-vogel ; le nom de beemerle attribué au jaseur par M. Brisson ne lui appartient point, mais à un petit oiseau de la grosseur du chardonneret, ainsi appelé aux environs de Nuremberg, et qui n’a de commun avec le jaseur que d’être regardé par le peuple comme un précurseur de la peste. — On trouve dans la liste qu’a donnée M. Brisson des synonymes du jaseur le xomotl de Seba, bien différent du xomotl de Fernandez, cap. 124, qui a la vérité est huppé, mais qui a le dos et les ailes noires, et la poitrine brune, qui de plus est palmipède, et dont les Mexicains emploient les plumes pour en former ces singuliers tissus qui font partie de leur luxe sauvage ; or le xomotl de Sela est presque aussi différent du jaseur de Bohême, au moins quant aux couleurs du plumage, que du xomotl de Fernandez, car il a la tête rouge, du rouge sur le dos et la poitrine, du rouge sur la queue, du rouge sous les ailes et le bec jaune.
  1. Bombycilla Garrula (Ampelis Garrula L.), vulgairement : Jaseur d’Europe [Note de Wikisource : actuellement Bombycilla garrulus Linnæus, vulgairement jaseur boréal].