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plication d’oiseaux de proie plus forts ; mais ce remède aurait à coup sûr d’autres inconvénients[NdÉ 1]. Le grand secret serait d’entretenir en tout temps un nombre suffisant de martins pour servir au besoin contre les insectes nuisibles, et de se rendre maître jusqu’à un certain point de leur multiplication. Peut-être aussi qu’en étudiant l’histoire des sauterelles, leurs mœurs, leurs habitudes, etc., on trouverait le moyen de s’en défaire sans avoir recours à ces auxiliaires de trop grande dépense.

Ces oiseaux ne sont pas fort peureux, et les coups de fusil les écartent à peine. Ils adoptent ordinairement certains arbres, ou même certaines allées d’arbres, souvent fort voisines des habitations, pour y passer la nuit, et ils y tombent le soir par nuées si prodigieuses que les branches en sont entièrement couvertes, et qu’on n’en voit plus les feuilles. Lorsqu’ils sont ainsi rassemblés, ils commencent par babiller tous à la fois, et d’une manière très incommode pour les voisins. Ils ont cependant un ramage naturel fort agréable, très varié et très étendu. Le matin ils se dispersent dans les campagnes, tantôt par petits pelotons, tantôt par paires, suivant la saison[NdÉ 2].

Ils font deux pontes consécutives chaque année, la première vers le milieu du printemps, et ces pontes réussissent ordinairement fort bien, pourvu que la saison ne soit pas pluvieuse ; leurs nids sont de construction grossière, et ils ne prennent aucune précaution pour empêcher la pluie d’y pénétrer ; ils les attachent dans les aisselles des feuilles du palmier-latanier ou d’autres arbres : ils les font quelquefois dans les greniers, c’est-à-dire toutes les fois qu’ils le peuvent. Les femelles pondent ordinairement quatre œufs à chaque couvée, et les couvent pendant le temps ordinaire. Ces oiseaux sont fort attachés à leurs petits : si l’on entreprend de les leur enlever, ils voltigent çà et là en faisant entendre une espèce de croassement, qui est chez eux le cri de la colère, puis fondent sur le ravisseur à coups

    dont la larve connue sous le nom de petit lion, fait une guerre continuelle aux pucerons cotonneux qui causent tant de dommages aux cafiers.

  1. Buffon exagère beaucoup les désordres que peuvent causer les Meinas ; les déprédations qu’ils sont susceptibles de commettre sont loin d’égaler les avantages qu’ils procurent aux cultivateurs en détruisant les sauterelles et d’autres insectes nuisibles. En 1868, M. Grandidier a essayé de les introduire en Algérie dans le but de combattre les sauterelles ; nous ignorons si cette tentative a été couronnée de succès ; il y aurait intérêt à la renouveler.
  2. D’après Jerdon, « les bandes de Meinas sont formées de quatre ou cinq familles, qui se sont réunies pour chercher des aliments, ou qui ont été attirées par le bruit de ces duels fréquents entre oiseaux aussi querelleurs. Le combat se livre d’ordinaire à terre, les deux adversaires se saisissent avec leurs ongles, se donnent des coups d’ailes, se roulent mutuellement sur le sol et poussent des cris perçants. Bientôt toute la troupe se rassemble ; quelques individus se posent en arbitres et frappent sur les deux adversaires ; d’autres, entraînés par le mauvais exemple, se livrent bataille à leur tour, et trop souvent la lutte se termine par des ailes cassées. Le bruit causé par ces petites guerres est très singulier et fort désagréable. »