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LE MARTIN[1]


Cet oiseau[NdÉ 1] est un destructeur d’insectes, et d’autant plus grand destructeur qu’il est d’un appétit très glouton : il donne la chasse aux mouches, aux papillons, aux scarabées : il va, comme nos corneilles et nos pies, chercher dans le poil des chevaux, des bœufs et des cochons, la vermine qui les tourmente quelquefois jusqu’à leur causer la maigreur et la mort. Ces animaux, qui se trouvent soulagés, souffrent volontiers leurs libérateurs sur leur dos, et souvent au nombre de dix ou douze à la fois ; mais il ne faut pas qu’ils aient le cuir entamé par quelque plaie, car les martins, qui s’accommodent de tout, becquèteraient la chair vive et leur feraient beaucoup plus de mal que toute la vermine dont ils les débarrassent : ce sont, à vrai dire, des oiseaux carnassiers, mais qui, sachant mesurer leurs forces, ne veulent qu’une proie facile, et n’attaquent de front que des animaux petits et faibles ; on a vu un de ces oiseaux, qui était encore jeune, saisir un rat long de plus de deux pouces, non compris la queue, le battre sans relâche contre le plancher de sa cage, lui briser les os, et réduire tous ses membres à l’état de souplesse et de flexibilité qui convenait à ses vues, puis le prendre par la tête et l’avaler presque en un instant ; il en fut quitte pour une espèce d’indigestion qui ne dura qu’un quart d’heure, pendant lequel il eut les ailes traînantes et l’air souffrant ; mais, ce mauvais quart d’heure passé, il courait par la maison avec sa gaieté ordinaire ; et environ une heure après, ayant trouvé un autre rat, il l’avala comme le premier et avec aussi peu d’inconvénient.

Les sauterelles sont encore une des proies favorites du martin : il en détruit beaucoup, et par là il est devenu un oiseau précieux pour les pays

  1. C’est le merle des Philippines de M. Brisson, t. II, p. 278.
  1. Acridotheres tristis (Gracula tristis Lath.) [Note de Wikisource : actuellement Acridotheres tristis Linnæus, vulgairement martin triste ; c’est un sturnidé, proche des mainates]. — Cet oiseau est connu des indigènes de l’Inde sous le nom de Meina. Jerdon dit qu’il est consacré à la déesse Ram, qui est représentée portant son Meina sur le poing. Linné avait fait de la Meina un Paradisæa. « Je ne sais, dit Jerdon, pourquoi Linné a infligé à la Meina l’épithète de tristis ; c’est un des oiseaux les plus vifs de l’Inde et son plumage n’a rien de triste. » Il ajoute : « J’avoue que j’aime beaucoup la Meina. C’est un oiseau gai, vif, bruyant, que sa bonne humeur rend toujours agréable. Elle est si affectueuse envers l’homme et si utile que je regarde comme un crime de lui faire la chasse ; du reste, sa chair est détestable. »