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LA SITTELLE. 647

grimper sur les arbres : enfin il a dans la queue un mouvement alternatif de haut en bas comme les lavandières, mais il a des mœurs et des allures entièrement différentes. Pour éviter toute confusion et conserver autant qu’il est possible les noms anciens, j’ai donné à notre oiseau celui de sittelle, d’après les noms grec et latin ςίττη, sitta : et comme il a plus de choses communes avec les mésanges, d’une part, et de l’autre avec les grimpereaux et les pics qu’avec aucune autre famille d’oiseaux, je lui conserverai ici la place que la nature semble lui avoir marquée dans l’ordre de ses productions.

La sittelle ne passe guère d’un pays à l’autre ; elle se tient, l’hiver comme l’été, dans celui qui l’a vue naître : seulement en hiver, elle cherche les bonnes expositions, s’approche des lieux habités, et vient quelquefois jusque dans les vergers et les jardins : d’ailleurs elle peut se mettre à l’abri dans les mêmes trous où elle fait sa ponte et son petit magasin, et où probable- ment elle passe toutes les nuits ; car dans l’état de captivité, quoiqu’elle se perche quelquefois sur les bâtons de sa cage, elle cherche des trous pour dormir, et faute de trous elle s’arrange dans l’auget où l’on met sa men- geaille : on a aussi remarqué que dans la cage, lorsqu’elle s’accroche, c’est rarement dans la situation qui semble la plus naturelle, c’est-à-dire la tête en haut, mais presque toujours en travers et même la tête en bas ; c’est de cette façon qu’elle perce les noisettes, après les avoir fixées solidement dans une fente (a). On la voit courir sur les arbres dans toutes les directions pour donner la chasse aux insectes ; Aristote dit qu’elle a l’habitude de casser les œufs de l’aigle, et il est possible en effet qu’à force de grimper elle se soit élevée quelquefois jusqu’à l’aire de ce roi des oiseaux ; il est possible qu’elle ait percé et mangé ses œufs, qui sont moins durs que les noisettes ; mais on ajoute trop légèrement que c’est une des causes de la guerre que les aigles font aux sittelles (b), comme si un oiseau de proie avait besoin d’un motif de vengeance pour être l’ennemi des oiseaux plus faibles et les dévorer.

Quoique la sittelle passe une bonne partie de son temps à grimper, ou si l’on veut à ramper sur les arbres, elle a néanmoins les mouvements très lestes et beaucoup plus prompts que le moineau ; elle les a aussi plus liants et plus doux, car elle fait moins de bruit en volant ; elle se tient ordinaire- ment dans les bois, où elle mène la vie la plus solitaire ; et cependant lors- qu’elle se trouve renfermée dans une volière avec d’autres oiseaux, comme moineaux, pinsons, etc., elle vit avec eux en fort bonne intelligence.

(a) Voyez l’Histoire naturelle des oiseaux d’Albin, tome II, n° xxviii.

(b) Voyez Aristote, Hist. animal., lib. ix, cap. i. — « Quidam clamatoriam dicunt, Labeo prohibitoriam, et apud Nigidium subis appellatur avis quæ aquilarum ova frangat. » Pline, Hist. nat, lib. x, cap. xiv. Ne serait-ce point là le sitta d’Aristote ? Pline n’en parle dans aucun autre endroit, et il désigne ici cet oiseau par un trait de son histoire que cite Aris- tote : d’ailleurs le nom de prohibitoria que lui donne Labeon semble avoir rapport aux fables anciennes que l’on a débitées sur la sittelle, sur sa sorcellerie, sur l’usage qu’en fai- saient les nécromanciens.