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LA MÉSANGE A LONGUE QUEUE. 635

mais comme il s’en rapproche par beaucoup d’autres propriétés plus essen- tielles, je le laisserai, avec le plus grand nombre des naturalistes, dans la possession paisible de son ancien nom. Eh ! quel autre nom pourrait convenir à un petit oiseau à bec court et cependant assez fort, qui fait sa principale résidence dans les bois ; qui est d’un naturel très remuant et très vif, et n’est pas un moment en repos ; qui voltige sans cesse de buisson en buisson, d’arbuste en arbuste, court sur les branches, se pend par les pieds, vit en société, accourt promptement au cri de ses semblables (*), se nourrit de chenilles, de moucherons et autres insectes, quelquefois de graines ; pince les bourgeons des arbres, qu’il découpe adroitement ; pond un grand nombre d’œufs ; enfin qui, suivant les observations les plus exactes (a), a les prin- cipaux caractères extérieurs des mésanges, et, ce qui est bien plus décisif, leurs mœurs et leurs allures ? Il ne s’éloigne pas même absolument de toutes les mésanges par sa longue queue étagée, puisque la moustache et le remiz, comme nous l’avons vu, en ont une de cette même forme, et qui ne diffère que du plus au moins.

Quant à la manière de faire le nid, il tient le milieu entre les charbon- nières et le remiz : il ne le cache point dans un trou d’arbre, où il serait mal à son aise avec sa longue queue ; il ne le suspend pas non plus, ou du moins très rarement (b), à un cordon délié, mais il l’attache solidement sur les branches des arbrisseaux, à trois ou quatre pieds de terre ; il lui donne une forme ovale et presque cylindrique, le ferme par-dessus, laisse une entrée d’un pouce de diamètre dans le côté, et se ménage quelquefois deux issues qui se répondent, afin d’éviter l’embarras de se retourner (c) : pré-

(a) Belon, M. Hébert, etc.

(b) « Nunc in alnetis suspensus, nunc arboris ramo bisulco impositus. » Daniel Titius, p. 33. Il peut se faire que cet auteur ait rencontré plusieurs de ces nids suspendus ; mais les autres observateurs s’accordent à dire qu’ils sont très rares. Voyez ci-après la note (f).

(c) Voyez Frisch et Rzaczynski, aux endroits cités.

(*) Gerbe décrit d’une manière très détaillée les habitudes sociales de ce charmant oiseau : « L’Orite à longue queue, dit-il, est peut-être l’espèce la plus sociable de tous les Paridés. Se voit-elle isolée, on l’entend incontinent se désespérer si nous pouvons ainsi dire. Elle, d’ordinaire si active pour ses besoins, oublie même alors de chercher sa nourriture. Ce n’est plus dans le milieu ou le bas des arbres qu’elle se pose ; elle ne visite plus les branches jusqu’au dernier rameau, pour y découvrir l’insecte qui s’y cache : c’est sur la cime qu’elle se perche alors ; et, de là, poussant de hauts cris d’appel, elle parait attendre qu’on lui réponde. Si rien ne lui indique la présence de ses compagnes dans le voisinage, elle va se percher sur un arbre plus élevé pour y recommencer ses cris. Enfin, cette agitation ne cesse que lors- qu’elle a retrouvé la petite troupe dont elle faisait partie, ou une autre dans laquelle elle comptera désormais. Lorsqu’on démonte à coup de fusils une Orite à longue queue, il arrive quelquefois que l’oiseau s’il ne peut plus voler, a cependant assez d’énergie pour rester for- tement accroché par les pieds à l’arbre sur lequel on l’a tiré. Ainsi suspendue, elle pousse des cris plaintifs qui attirent autour d’elle les individus dont se compose la bande à laquelle elle appartient. Ceux-ci voltigent avec agitation autour de leur compagnon blessé, s’en appro- chent et paraissent s’efforcer de l’attirer à eux par des cris particuliers. On peut dans ces circonstances tuer tous ces oiseaux l’un après l’autre jusqu’au dernier sans que les coups de fusil puissent les déterminer à s’éloigner. »