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LE REMIZ. 629

2° par la taille, puisque, suivant Albin, la mésange barbue pèse plus de neuf gros, et qu’il fait le remiz égal à la mésange bleue qui pèse trois gros seule- ment ; 3° par le plumage, et notamment par la bande noire qu’ont ces deux oiseaux de chaque côté de la tête, mais posée tout autrement dans l’un et dans l’autre ; 4° enfin, par la différence du climat, Albin assignant pour son séjour ordinaire, à la mésange barbue, quelques provinces d’Angleterre et au remiz l’Allemagne et l’Italie. D’après tout cela, MM. Kramer et Linnæus ne me semblent pas mieux fondés à soupçonner que ces deux mésanges ne diffèrent entre elles que par le sexe ; et j’avoue que je n’aperçois pas non plus la grande affinité que M. Edwards et le même M. Linnæus ont cru voir entre ces deux oiseaux d’une part et les pies-grièches de l’autre ; à la vérité, ils ont comme les pies-grièches un bandeau noir sur les yeux, et le remiz sait ourdir, comme elles, les matériaux dont il compose son nid ; mais ces matériaux ne sont pas les mêmes, ni la manière d’attacher le nid, non plus que le bec, les serres, la nourriture, la taille, les proportions, la force, les allures, etc. Suivant toute apparence, M. Edwards n’avait point vu le remiz, non plus que les autres naturalistes qui ont adopté son avis ; un seul coup d’œil sur le n° 618 de nos planches enluminées eût suffi pour les désabuser.

Ce qu’il y a de plus curieux dans l’histoire des remiz, c’est l’art recherché qu’ils apportent à la construction de leur nid ; ils y emploient ce duvet léger qui se trouve aux aigrettes des fleurs du saule, du peuplier, du tremble, du juncago, des chardons, des pissenlits, de l’herbe aux moucherons, de la masse d’eau, etc. (a) ; ils savent entrelacer avec leur bec cette matière fila- menteuse et en former un tissu épais et serré, presque semblable à du drap ; ils fortifient le dehors avec des fibres et de petites racines qui pénètrent dans la texture, et font en quelque sorte la charpente du nid ; ils garnissent le dedans du même duvet non ouvré (b), pour que leurs petits y soient molle- ment ; ils le ferment par en haut afin qu’ils y soient chaudement, et ils le suspendent avec du chanvre, de l’ortie, etc., à la bifurcation d’une petite branche mobile, donnant sur une eau courante, pour qu’ils soient bercés plus doucement par la liante élasticité de la branche, pour qu’ils se trouvent dans l’abondance, les insectes aquatiques étant leur principale nourriture (c), enfin, pour qu’ils soient en sûreté contre les rats, les lézards, les cou- leuvres et autres ennemis rampants, qui sont toujours les plus dangereux ;

(a) Comme les saules et les peupliers fleurissent avant la masse d’eau, les remiz emploient le duvet des fleurs de ces deux espèces d’arbres dans la construction du nid où ils font leur première ponte ; et les nids travaillés avec ce duvet sont moins fermes, mais plus blancs que ceux où le duvet de la masse d’eau a été employé : c’est, dit-on, une manière assez sûre de distinguer une première ponte d’une seconde et d’une troisième. On trouve aussi de ces nids faits de gramen des marais, de poils de castor, de la matière cotonneuse des chardons, etc.

(b) Quelquefois ce duvet, cette matière cotonneuse est pelotonnée en petits globules qui ne rendent pas l’intérieur du nid moins mollet ni moins doux.

(c) M. Monti a trouvé dans l’estomac de ces oiseaux des insectes extrêmement broyés, et n’y a trouvé que cela.