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LA MÉSANGE BLEUE. 625

qu’on ne l’oblige à renoncer ses œufs avant qu’elle les ait fait éclore ; et elle les renonce assez facilement pour peu qu’on en casse un seul, le petit fût-il tout formé, et même pour peu qu’on y touche ; mais lorsqu’une fois ils sont éclos elle s’y attache davantage et les défend courageusement ; elle se défend elle-même et souffle d’un air menaçant lorsqu’on l’inquiète dans sa prison ; le mâle paraît se reposer plus à son aise, étant accroché au plafond de sa cage, que dans toute autre situation. Outre son grincement désagréable, elle a un petit gazouillement faible, mais varié, et auquel on a bien voulu trou- ver quelque rapport avec celui du pinson.

M. Frisch prétend qu’elle meurt dès qu’elle est en cage, et que par cette raison l’on ne peut l’employer comme appelant ; j’en ai vu cependant qui ont vécu plusieurs mois en captivité, et qui ne sont mortes que de gras- fondure.

Schwenckfeld nous apprend qu’en Silésie on voit cette mésange en toute saison dans les montagnes ; chez nous ce sont les bois où elle se plaît, sur- tout pendant l’été, et ensuite dans les vergers, les jardins, etc. M. Lottinger dit qu’elle voyage avec la charbonnière, mais que cette société est telle qu’elle peut être entre des animaux pétulants et cruels, c’est-à-dire, ni pai- sible ni durable. On dit cependant que la famille reste plus longtemps réunie que dans les autres espèces (a) (*).

La mésange bleue est fort petite, puisqu’elle ne pèse que trois gros ; mais Belon, Klein et le voyageur Kolbe ne devaient pas la donner pour la plus petite des mésanges. La femelle l’est un peu plus que le mâle ; elle a moins de bleu sur la tête, et ce bleu, ainsi que le jaune du dessous du corps, est moins vif : ce qui est blanc dans l’un et l’autre est jaunâtre dans les petits qui commencent à voler ; ce qui est bleu dans ceux-là est brun cendré dans

(a) Journal de Physique de M. l’abbé Rosier, août 1776.

(*) D’après Brehm, les Mésanges bleues vivent par paires au printemps, c’est-à-dire pen- dant la saison des amours ; en été, elles forment des familles, et en automne celles-ci se réu- nissent en grandes bandes ou sociétés qui entreprennent des voyages plus ou moins longs. Naumann dit que, pendant ces voyages, elles ont soin de toujours suivre les lisières des forêts et des bois. « Elles n’aiment pas, dit-il, à franchir un espace découvert. Y sont-elles contraintes, elles sautent en criant dans les branches de l’arbre le plus extrême du bois qui les a proté- gées jusqu’à ce moment. Quelques-unes s’élèvent dans les airs, mais les autres ne les suivent point ; elles reviennent sur leurs pas ; d’autres s’élancent à leur tour jusqu’à ce qu’enfin toute la bande s’envole à tire d’ailes. Si, à ce moment, on imite avec la bouche un fort bruissement, si l’on jette un chapeau en l’air, on voit aussitôt toutes ces mésanges se laisser tomber sur l’arbre ou le buisson le plus voisin. Cette allure est causée par la peur terrible qu’elles ont des rapaces. Un pigeon, un gros oiseau quelconque ne les effraie pas moins ; elles ont conscience, dirait-on, que dans les lieux découverts elles volent trop mal pour pouvoir échapper à une poursuite. Lorsqu’elles vont à travers un espace dégarni d’arbres, elles s’élèvent très haut dans les airs ; à peine les aperçoit-on, quoiqu’on entende encore leurs cris d’appel.»

A l’automne, elles émigrent presque toutes vers le sud où elles passent l’hiver. On en trouve beaucoup en Espagne. Un grand nombre ne font que des voyages beaucoup plus courts et se bornent à errer dans une zone relativement étroite.