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612 ŒUVRES COMPLÈTES DE BUFFON.

mant avec eux de magnifiques concerts sauvages (a). » Nos connaisseurs prétendent qu’elles chantent aussi très bien en Europe, ce qu’il faut en- tendre de leur chant de printemps, je veux dire de leur chant d’amour et non de ce cri désagréable et rauque qu’elles conservent toute l’année, et qui leur a fait donner, à ce que l’on prétend, le nom de serrurier (b). Les mêmes connaisseurs ajoutent qu’elles sont capables d’apprendre à siffler des airs ; que les jeunes, prises un peu grandes, réussissent beaucoup mieux que celles qu’on élève à la brochette (c) ; qu’elles se familiarisent promptement, et qu’elles commencent à chanter au bout de dix ou douze jours ; enfin, ils disent que ces oiseaux sont fort sujets à la goutte ; ils recommandent de les tenir chaudement pendant l’hiver.

Presque toutes les mésanges font des amas et des provisions, soit dans l’état de liberté, soit dans la volière. M. le vicomte de Querhoent en a vu souvent plusieurs de celles à qui il avait coupé les ailes prendre dans leur bec trois ou quatre grains de panis avec un grain de chènevis (d), et grimper d’une vitesse singulière au haut de la tapisserie où elles avaient établi leur magasin ; mais il est clair que cet instinct d’amasser, d’entasser les provi- sions, est un instinct d’avarice et non de prévoyance, du moins pour celles qui ont coutume de passer l’été sur les montagnes et l’hiver dans les plaines. On a aussi remarqué qu’elles cherchent toujours les endroits obscurs pour se coucher ; elles semblent vouloir percer les planches ou la muraille pour s’y pratiquer des retraites, toutefois à une certaine hauteur, car elles ne se posent guère à terre, et ne s’arrêtent jamais longtemps au bas de la cage. M. Hébert a observé quelques espèces qui passent la nuit dans des arbres creux ; il les a vues plusieurs fois s’y jeter brusquement après avoir regardé de tous côtés, et pour ainsi dire reconnu le terrain ; et il a essayé inutile- ment de les faire sortir en introduisant un bâton dans les mêmes trous où ils les avait vues entrer. H pense qu’elles reviennent chaque jour au même gîte, et cela est d’autant plus vraisemblable que ce gîte est aussi le magasin où elles resserrent leurs petites provisions. Au reste, tous ces oiseaux dorment assez profondément et la tête sous l’aile comme les autres ; leur chair est en

(a) Voyez la Description du cap de Bonne-Espérance, p. 165, part, iii, chap. xix. J’avoue que j’ai peu de confiance à cette observation, où Kolbe, au lieu de dire ce qu’il a vu, semble copier ce qu’il a lu dans les naturalistes, se permettant seulement de dire que les mésanges chantent comme les serins, au lieu que, suivant les auteurs, elles chantent plutôt comme les pinsons.

(b) Je ne suis point de l’avis des auteurs sur ce point, car le nom de serrurier ayant été donné aux pics, non à cause de leur cri, mais parce qu’ils ont coutume de frapper les arbres de leur bec, il me parait raisonnable de croire que c’est parce que les mésanges ont la même habitude, qu’on leur a aussi donné le même nom.

(c) Voyez le Traité du serin, p. 51. Tout le monde s’accorde à dire que les petites mésanges, prises dans le nid, s’élèvent difficilement.

(d) Frisch dit à peu près la même chose de la nonnette cendrée, t. Ier, class. 2, art. 3, pl. 1, n° 13.