Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome VI.djvu/642

Cette page n’a pas encore été corrigée

610 ŒUVRES COMPLÈTES DE BUFFON.

ou avec la reginglette, ou même en les enivrant, comme faisaient les an- ciens, avec de la farine délayée dans du vin (d). Voilà bien des moyens de destruction employés contre de petits oiseaux, et presque tous employés avec succès : la raison est que ceux qui élèvent des abeilles ont grand intérêt à détruire les mésanges, parce qu’elles font une grande consommation de ces insectes utiles, surtout quand elles ont des petits (b) ; et d’ailleurs elles ont trop de vivacité pour ne pas donner dans tous les pièges, surtout au temps de leur arrivée, car elles sont alors très peu sauvages, elles se tien- nent dans les buissons, voltigent autour des grands chemins et se laissent approcher ; mais bientôt elles acquièrent de l’expérience et deviennent un peu plus défiantes.

Elles pondent jusqu’à dix-huit ou vingt œufs, plus ou moins (c), les unes dans des trous d’arbres, se servant de leur bec pour arrondir, lisser, façonner ces trous à l’intérieur et leur donner une forme convenable à leur destina- tion ; les autres dans des nids en boule et d’un volume très disproportionné à la taille d’un si petit oiseau. Il semble qu’elles aient compté leurs œufs avant de les pondre ; il semble aussi qu’elles aient une tendresse anti- cipée pour les petits qui en doivent éclore. Cela paraît aux précautions affectionnées qu’elles prennent dans la construction du nid, à l’attention prévoyante qu’ont certaines espèces de le suspendre au bout d’une branche, au choix recherché des matériaux qu’elles y emploient, tels qu’herbes me- nues, petites racines, mousse, fil, crins, laine, coton, plumes, duvet, etc. ; elles viennent à bout de procurer la subsistance à leur nombreuse famille, ce qui suppose non seulement un zèle, une activité infatigables, mais beau- coup d’adresse et d’habileté dans leur chasse ; souvent on les voit revenir au nid ayant des chenilles dans le bec. Si d’autres oiseaux attaquent leur géniture, elles la défendent avec intrépidité, fondent sur l’ennemi, et à force de courage font respecter la faiblesse.

Toutes les mésanges du pays ont des marques blanches autour des yeux ; le doigt extérieur uni par sa base au doigt du milieu et celui-ci de très peu plus long que le doigt postérieur ; la langue comme tronquée et terminée par des filets ; presque toutes sont très fournies de plumes sur le croupion ; toutes, excepté la bleue, ont la tête noire ou marquée de noir ; toutes, excepté celle à longue queue, ont les pieds de couleur plombée ; mais ce qui caractérise plus particulièrement les oiseaux de cette famille, c’est leur

(a) Cette pâtée leur donne des étourdissements ; elles tombent, se débattent, font effort pour s’envoler, retombent encore et amusent les spectateurs par la variété bizarre de leurs mouve- ments et de leurs attitudes. Voyez Ælianus, de Nat. animal., lib. i, cap. lviii.

(b) D’autres disent que c’est l’hiver qu’elles en détruisent le plus, parce que les abeilles étant alors moins vives, elles redoutent moins leur aiguillon, et les attrapent plus facilement en volant.

(c) Une femelle, dit M. Hébert, qui fut prise sur ses œufs, avait la peau du ventre si lâche, qu’elle eût suffi pour recouvrir le ventre en entier, quand il eût été une fois plus gros.