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LES MÉSANGES. 609

sont avides de sang, de viande gâtée, de graisse rance et de suif fondu ou plutôt brûlé par la flamme de la chandelle : il semble que leur goût se dé- prave dans l’état de domesticité.

En général toutes les mésanges, quoique un peu féroces, aiment la société de leurs semblables, et vont par troupes plus ou moins nombreuses : lors- qu’elles ont été séparées par quelque accident, elles se rappellent mutuelle- ment et sont bientôt réunies ; cependant elles semblent craindre de s’appro- cher de trop près (a) ; sans doute que jugeant des dispositions de leurs semblables par les leurs propres, elles sentent qu’elles ne doivent pas s’y fier : telle est la société des méchants. Elles se livrent avec moins de défiance à des unions plus intimes qui se renouvellent chaque année au printemps, et dont le produit est considérable ; car c’est le propre des mé- sanges d’être plus fécondes qu’aucun autre genre d’oiseaux (b), et plus qu’en raison de leur petite taille : on serait porté à croire qu’il entre dans leur organisation une plus grande quantité de matière vivante, et que l’on doit attribuer à cette surabondance de vie leur grande fécondité, comme aussi leur activité, leur force et leur courage. Aucun autre oiseau n’attaque la chouette plus hardiment ; elles s’élancent toujours les premières et cher- chent à lui crever les yeux ; leur action est accompagnée d’un renflement de plumes, d’une succession rapide d’attitudes violentes et de mouvements précipités qui expriment avec énergie leur acharnement et leur petite fureur ; lorsqu’elles se sentent prises elles mordent vivement les doigts de l’oiseleur, les frappent à coups de bec redoublés, et rappellent à grands cris les oiseaux de leur espèce, qui accourent en foule, se prennent à leur tour, et en font venir d’autres qui se prendront de même (c) ; aussi M. Lottinger assure-t-il que sur les montagnes de Lorraine, lorsque le temps est favo- rable, c’est-à-dire par le brouillard, il ne faut qu’un appeau, une petite loge et un bâton fendu pour en prendre quarante ou cinquante douzaines dans une matinée (d) ; on les prend encore en grand nombre, soit au trébuchet (e), soit au petit filet d’alouettes, soit au lacet, ou au collet, ou aux gluaux,

(a) Journal de Physique, à l’endroit cité.

(b) Cela est si connu en Angleterre, qu’il a passé en usage de donner le nom de mésange à toute femme qui est à la fois très petite et très féconde.

(c) Voyez Journal de Physique, août 1776, p. 123.

(d) Selon M. Frisch, on n’en prend qu’une centaine dans un jour, à une certaine chasse qu’on appelle aux environs de Nuremberg, la grande chasse aux trébuchets. Elle se fait par le moyen d’une loge triangulaire, établie sur trois grands sapins qui servent de colonnes : chaque face de cette loge est percée d’une espèce de fenêtre, sur laquelle on pose un trébuchet ; chaque fenêtre a le sien, chaque trébuchet à sa chanterelle, et l’oiseleur est au centre, ayant l’œil sur le tout, et rappelant lui-même avec un appeau qui se fait entendre de loin. Frisch, t. Ier, class. 2, div. 1. Cet auteur ajoute que l’on ne prend guère de mésanges huppées et de mésanges à longue queue dans les trébuchets.

(e) Il y a des trébuchets en cage, et ceux faits avec le sureau et les deux tuiles appuyées l’une contre l’autre, une épi entre-deux, la claie, la brandonnée, etc.