Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome VI.djvu/640

Cette page n’a pas encore été corrigée

608 ŒUVRES COMPLÈTES DE BUFFON.

manières, souvent même la tête en bas, afin de pouvoir fouiller dans toutes les petites fentes et y chercher les vers, les insectes ou leurs œufs : ils vivent aussi de graines, mais au lieu de les casser dans leur bec comme font les linottes et les chardonnerets, presque toutes les mésanges les tiennent assujetties sous leurs petites serres et les percent à coups de bec ; elles per- cent de même les noisettes, les amandes, etc. (a). Si on leur suspend une noix au bout d’un fil, elles s’accrocheront à cette noix en suivront les oscil- lations ou balancements sans lâcher prise, sans cesser de la becqueter. On a remarqué qu’elles ont les muscles du cou très robuste et le crâne très épais (b), ce qui explique une partie de leurs manœuvres ; mais, pour les expliquer toutes, il faut supposer qu’elles ont aussi beaucoup de force dans les muscles des pieds et des doigts.

La plupart des mésanges d’Europe se trouvent dans nos climats en toute saison, mais jamais en aussi grand nombre que sur la fin de l’automne, temps où celles qui se tiennent l’été dans les bois ou sur les montagnes (c) en sont chassées par le froid, les neiges, et sont forcées de venir chercher leur subsistance dans les plaines cultivées, et à portée des lieux habités (d) : durant la mauvaise saison, et même au commencement du prinptemps, elles vivent de quelques graines sèches, de quelques dépouilles d’insectes qu’elles trouvent en furetant sur les arbres ; elles pincent aussi les boulons naissants, et s’accommodent des œufs de chenilles, notamment de ceux que l’on voit autour des petites branches, rangés comme une suite d’anneaux ou de tours de spirale ; enfin elles cherchent dans la campagne de petits oiseaux morts, et si elles en trouvent de vivants, affaiblis par la maladie, embarrassés dans les pièges, en un mot sur qui elles aient de l’avantage, fussent-ils de leur espèce, elles leur percent le crâne et se nourrissent de leur cervelle ; et cette cruauté n’est pas toujours justifiée par le besoin, puisqu’elles se la permettent lors même qu’elle leur est inutile, par exemple, dans une volière où elles ont en abondance la nourriture qui leur convient : pendant l’été elles mangent, outre les amandes, les noix, les insectes, etc., toutes sortes de noyaux, de châtaignes, de la faîne, des figues, du chènevis, du panis et autres menues graines (e). On a remarqué que celles que l’on tient en cage

(a) Comme cet exercice est un peu rude, et qu’à la longue il les rend aveugles, selon M. Frisch, on recommande d’écraser les noisettes, le chènevis, en un mot tout ce qui est dur, avant de le leur donner.

(b) Voyez Jorrnal de Physique, août 1776, p. 123 et suiv.

(c) La mésange à longue queue, selon Aristote, la charbonnière, la petite bleue, la noire et la huppée, selon les modernes.

(d) Les uns prétendent qu’elles se retirent alors dans les sapinières ; d’autres assurent qu’elles ne font que passer dans les pays où elles trouvent de la neige, et qu’elles se portent vers le midi : ce dernier avis me paraît le plus probable.

(e) Quelques-uns prétendent que les mésanges ne digèrent ni la navette ni le millet, fus- sent-ils ramollis par la cuisson ; cependant M. le vicomte de Querhoënt, qui a élevé de ccs oiseaux, assure qu’il ne les nourrissait qu’avec du chènevis et du mil.