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LE ROITELET. 601

villes, où ils trouvent des ressources contre la rigueur de la saison : on ajoute qu’ils volent par petites troupes, composées non seulement d’oiseaux de leur espèce, mais d’autres petits oiseaux qui ont le même genre de vie, tels que grimpereaux, torche-pots, mésanges, etc (a). D’un autre côté, M. Salerne nous dit que dans l’Orléanais ils vont ordinairement deux à deux pendant l’hiver, et qu’ils se rappellent lorsqu’ils ont été séparés : il faut donc qu’ils aient des habitudes différentes en différents pays, et cela ne me paraît pas absolument impossible, parce que les habitudes sont relatives aux circonstances ; mais il est encore moins impossible que les auteurs soient tombés dans quelque méprise. En Suisse, on n’est pas bien sûr qu’ils restent tout l’hiver : du moins on sait que dans ce pays et en Angleterre ils sont des derniers à disparaître (b) : il est certain qu’en France nous les voyons beaucoup plus l’automne et l’hiver que l’été, et qu’il y a plusieurs de nos provinces où ils ne nichent jamais, ou presque jamais.

Ces petits oiseaux ont beaucoup d’activité et d’agilité : ils sont dans un mouvement presque continuel, voltigeant sans cesse de branche en branche, grimpant sur les arbres, se tenant indifféremment dans toutes les situations, et souvent les pieds en haut comme les mésanges, furetant dans toutes les gerçures de l’écorce, en tirant le petit gibier qui leur convient, ou le guet- tant à la sortie. Pendant les froids, ils se tiennent volontiers sur les arbres toujours verts, dont ils mangent la graine ; souvent même ils se perchent sur la cime de ces arbres (c), mais il ne paraît pas que ce soit pour éviter l’homme, car en beaucoup d’autres occasions ils se laissent approcher de très près : l’automne ils sont gras, et leur chair est un fort bon manger, autant qu’un si petit morceau peut être bon : c’est alors qu’on en prend communément à la pipée, et il faut qu’on en prenne beaucoup aux environs de Nuremberg, puisque les marchés publics de cette ville en sont garnis.

Les roitelets sont répandus non seulement en Europe, depuis la Suède jusqu’en Italie, et probablement jusqu’en Espagne, mais encore en Asie, jusqu’au Bengale, et même en Amérique, depuis les Antilles jusqu’au nord de la Nouvelle-Angleterre, suivant M. Edwards, pl. 254 (d) : d’où il suit que ces oiseaux, qui à la vérité fréquentent les contrées septentrionales, mais qui d’ailleurs ont le vol très court, ont passé d’un continent à l’autre ; et ce seul fait bien avéré serait un indice de la grande proximité des deux conti- nents du côté du nord. Dans celte supposition, il faut convenir que le roitelet,

(a) Gessner, Klein, Catesby.

(b) British Zoology, à l’endroit cité.

(c) On en voit l’hiver sur les piceas et autres arbres toujours verts du Jardin du Roi, mais ils n’y ont jamais niché.

(d) Sa carrière serait encore bien plus étendue, s’il était vrai qu’on le trouvât dans les terres Magellaniques, comme il est dit dans les Navigations aux terres Australes, t. II, p. 38 ; mais on n’est pas fondé à assurer que l’espèce de roitelet dont il est question dans ce passage soit la même que celle de cet article.