Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome VI.djvu/629

Cette page n’a pas encore été corrigée

LE TROGLODYTE. 597

remarqué qu’il se plaît dans la compagnie des rouges-gorges : du moins on le voit venir avec ces oiseaux à la pipée ; il approche en faisant un petit cri, tirit, tirit, d’un son plus grave que son chant, mais également sonore de timbre. Il est si peu défiant et si curieux, qu’il pénètre à travers la feuillée, jusque dans la loge du piqueur. Il voltige et chante dans les bois jusqu’à la nuit serrée ; et c’est un des derniers oiseaux, avec le rouge-gorge et le merle, qu’on y entende après le coucher du soleil (a) ; il est aussi un des premiers éveillés le matin : cependant ce n’est pas pour le plaisir de la société, car il aime à se tenir seul hors le temps des amours, et les mâles, en été, se poursuivent et se chassent avec vivacité (b).

L’espèce en est assez répandue en Europe. Belon dit qu’il est connu par- tout (c) ; cependant s’il résiste à nos hivers, ceux du Nord sont trop rigou- reux pour son tempérament : Linnæus témoigne qu’il est peu commun en Suède. Au reste les noms qu’on lui donne en différents pays suffiraient pour le faire reconnaître. Frisch l’appelle roitelet de haies d’hiver ; Schwenck- feld, roitelet de neige (d). Dans quelques-unes de nos provinces, on le nomme roi de froidure. Un de ses noms allemands signifie qu’il se glisse dans les branchages (e) ; c’est aussi ce que désigne le nom de dike-smouler (f), qu’on lui donne en Angleterre suivant Gessner, et celui de perchia-chagia qu’il porte en Sicile (g). Dans l’Orléanais on l’appelle ratereau ou ratillon (h), parce qu’il pénètre et court comme un petit rat dans les buissons. Enfin le

(a) « Paulò ante vesperum solet impensiùs strepere ; et omnium ferè avium postremus ad somnum se repicit. » Turner apud Gessn., p. 625.

(b) « Il aime à se tenir seulet, et mesmement s’il trouve un autre son semblable, et prin- cipalement s’il est mâle, ils se combattront l’un l’autre jusqu’à ce que l’un demeure vain- queur, et est assez au vainqueur que le vaincu s’enfuie devant lui. » Belon, Nat. des oiseaux, page 342.

(c) « Et pour ce qu’il est veu voler en toutes contrées, se manifestant par sa voix, aussi est-il cogneu de toutes parts. » Idem, ibid.

(d) Schnee-kœnig.

(e) Zain-schlupfer.

(f) « In sepibus delitescens. » Gessner.

(g) Perce-buisson, suivant Olina ; ailleurs conta-fasona (compte-fagots), comme si, en sautillant sur les fascines, il semblait les compter.

(h) Ornithologie de Salerne.

de ses observations. Un mâle construisit presque entièrement quatre nids, avant de trouver une femelle. Après la pariade, le couple, poursuivi par la malechance, dut construire trois autres nids avant de pouvoir pondre ; la femelle, lassée de tant de malheurs, abandonna son compagnon pour aller, sans doute, en chercher un autre. Le mâle n’en continua pas moins ses travaux pendant plusieurs semaines et construisit encore deux nids qui ne lui servirent point. Ogilby a vu que très souvent ces oiseaux viennent passer la nuit dans une de leurs anciennes demeures, et non seulement l’un ou l’autre des parents, mais toute la famille. D’après Paessler, un paysan d’Anhalt a fait une remarque analogue. Un soir d’hiver, ce paysan entra dans son écurie pour prendre un moineau dans un nid d’hirondelle qui était contre le mur ; mais il en retira toute une poignée d’oiseaux et vit, non sans surprise, que c’étaient cinq Troglodytes qui s’étaient emparés de ce nid pour y passer leurs nuits. »