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596 ŒUVRES COMPLÈTES DE BUFFON.

Au printemps, le troglodyte demeure dans les bois, où il fait son nid près de terre sur quelques branchages épais ou même sur le gazon, quelquefois sous un tronc ou contre une roche, ou bien sous l’avance de la rive d’un ruisseau, quelquefois aussi sous le toit de chaume d’une cabane isolée dans un lieu sauvage, et jusque sur la loge des charbonniers et des sabotiers qui travaillent dans les bois : il amasse pour cela beaucoup de mousse, et le nid en est à l’extérieur entièrement composé ; mais en dedans il est proprement garni de plumes : ce nid est presque tout rond, fort gros, et si informe en dehors, qu’il échappe à la recherche des dénicheurs ; car il ne paraît être qu’un tas de mousse jetée au hasard : il n’a qu’une petite entrée fort étroite pratiquée au côté : l’oiseau y pond neuf à dix petits œufs (a) blanc terne, avec une zone pointillée de rougeâtre au gros bout ; il les abandonne s’il s’aperçoit qu’on les ait découverts ; les petits se hâtent de quitter le nid avant de pouvoir voler, et on les voit courir comme de petits rats dans les buissons (b) : quelquefois les mulots s’emparent du nid, soit que l’oiseau l’ait abandonné, soit que ces nouveaux hôtes soient des ennemis qui l’en aient chassé en détruisant sa couvée (c). Nous n’avons pas observé qu’il en fasse une seconde au mois d’août dans nos contrées (*), comme le dit Albert dans Aldrovande (d), et comme Olina l’assure de l’Italie (e), en ajoutant qu’on en voit une grande quantité à Rome et aux environs. Ce même auteur donne la manière de l’élever pris dans le nid, ce qui pourtant réussit peu, comme l’observe Belon (f) ; cet oiseau est trop délicat (g). Nous avons

(a) Aldrovande. Schwenckfeld.

(b) Gessner, p. 625.

(c) « Je trouvai ce printemps, dans une haie d’épines, à environ cinq pieds de terre, un nid qui avait la forme de celui de roitelet, construit de mousse et de laine ; je fus fort surpris, l’ayant défait, d’y trouver cinq petits mulots. Le nid avait été construit par des roitelets, et des mulots se l’étaient approprié. » (Note de M. le vicomte de Querhoënt.)

(d) Avi., t. II, p. 655.

(e) Uccelleria, p. 6.

(f) « Ses petits sont moult difficiles à élever, pour les nourrir en cage ; car combien qu’on les nourrisse jusqu’à quelque temps, si est-ce qu’ils se meurent à la parfin ; mais si d’adven- ture l’on en peut conserver aucun (qui est chose qu’avons veu advenir), l’on a autant de plaisir de son chant que de nul autre oyseau, d’autant qu’il chante le long de l’hiver. » Belon, Nat. des oiseaux, p. 342.

(g) « Pour l’élever, on le tient bien chaudement dans le nid ; il faut lui donner à manger peu et souvent, du cœur de mouton ou de veau, haché bien menu, et quelques mouches. Quand il mange seul, on met dans sa cage un petit retranchement de drap rouge, dans lequel il puisse se retirer la nuit. » Traité du serin des Canaries, Paris, 1707.

conscience de son inhabileté à voler Jamais il ne quitte le buisson où il trouve un asile sans y être contraint, et, s’il en est éloigné, il se réfugie dans quelque trou plutôt que de chercher son salut dans le vol. »

(*) D’après Brehm, le Troglodyte mignon niche habituellement deux fois par an, au mois d’avril et au mois de juillet, et chaque couvée est de six à huit œufs ; les parents couvent alternativement. Le même auteur donne sur la façon dont le Troglodyte se comporte à l’égard de ses nids, des détails fort intéressants empruntés à divers auteurs. « Bœnigk, dit-il, a observé un Troglodyte mignon depuis le mois d’avril jusqu’au mois d’août ; voici le résumé