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LE TROGLODYTE. 595

noyant, et ses ailes battent d’un mouvement si vif, que les vibrations en échappent à l’œil. C’est de cette habitude naturelle que les Grecs le nommaient aussi trochilos, sabot, toupie (a) ; et cette dénomination est non seulement analogue à son vol, mais aussi à la forme de son corps accourci et ramassé.

Le troglodyte n’a que trois pouces neuf lignes de longueur et cinq pouces et demi de vol ; son bec a six lignes et les pieds sont hauts de huit ; tout son plumage est coupé transversalement par petites zones ondées de brun foncé et de noirâtre sur le corps et les ailes, sur la tête et même sur la queue ; le dessous du corps est mêlé de blanchâtre et de gris. C’est en raccourci, et pour ainsi dire en miniature, le plumage de la bécasse (b) ; il pèse à peine le quart d’une once.

Ce très petit oiseau est presque le seul qui reste dans nos contrées jus- qu’au fort de l’hiver ; il est le seul qui conserve sa gaieté dans cette triste saison ; on le voit toujours vif et joyeux, et comme dit Belon avec une expression dont notre langue a perdu l’énergie, allègre et vioge (c) : son chant haut et clair est composé de notes brèves et rapides, sidiriti, sidiriti ; il est coupé par reprises de cinq ou six secondes. C’est la seule voix légère et gracieuse qui se fasse entendre dans cette saison, où le silence des habi- tants de l’air n’est interrompu que par le croassement désagréable des cor- beaux (d). Le troglodyte se fait surtout entendre quand il est tombé de la neige (e), ou sur le soir, lorsque le froid doit redoubler la nuit. Il vit ainsi dans les basses-cours, dans les chantiers, cherchant dans les branchages, sur les écorces, sous les toits, dans les trous des murs et jusque dans les puits, les chrysalides et les cadavres des insectes. Il fréquente aussi les bords des sources chaudes et des ruisseaux qui ne gèlent pas, se retirant dans quel- ques saules creux, où quelquefois ces oiseaux se rassemblent en nombre (f) ; ils vont souvent boire et retournent promptement à leur domicile commun. Quoique familiers, peu défiants et faciles à se laisser approcher, ils sont néanmoins difficiles à prendre : leur petitesse ainsi que leur prestesse les fait presque toujours échapper à l’œil et à la serre de leurs ennemis (*).

(a) « A trocho trochilus, quod brevi trochiformi corpore est. » Klein.

(b) Aussi ai-je vu des enfants à qui la bécasse était connue, du premier moment qu’on leur montrait le troglodyte, l’appeler petite bécasse.

(c) « Ayant la queue troussée comme un coq... C’est un oiseau qui n’est jamais mélanco- lique, toujours prêt à chanter : aussi l’oit-on soir et matin de bien loing, et principalement en temps d’hiver ; lors il n’a son chant guère moins hautain que celui du rossignol. » Belon Nat. des oiseaux.

(d) Lorsqu’il chante, le son de sa voix est si fort et si agréable, qu’on souhaite toujours de l’entendre plus souvent et plus longtemps. » Salerne, Ornithol., p. 244.

(e) « On l’entend et on le voit encore quand il y a peu de temps qu’il a neigé, ce qui le fait nommer par quelques-uns roitelet de neige. Ibidem.

(f) Un chasseur nous assure en avoir trouvé plus de vingt réunis dans le même trou.

(*) D’après Naumann un homme à la course peut fatiguer le Troglodyte mignon au point de s’en emparer si l’oiseau ne trouve pas quelque lieu pour se cacher. D’après Brehm « il a