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594 ŒUVRES COMPLÈTES DE BUFFON.

sous des traits qu’on ne peut méconnaître, et sous son propre nom, le vé- ritable roitelet (a), auquel la huppe ou couronne d’or et sa petite taille ont, par analogie, fait donner le nom de petit-roi ou roitelet (J). Or, notre troglo- dyte en est si différent, par la figure autant que par les mœurs, qu’on n’aurait jamais dû lui appliquer ce même nom ; néanmoins, l’erreur est ancienne, et peut-être du temps même d’Aristote (c). Gessner l’a reconnue (d) ; mais malgré son autorité (e), soutenue de celles d’Aldrovande et de Wil- lughby, qui, comme lui, distinguent clairement ces oiseaux (f), la confusion a duré parmi les autres naturalistes, et l’on a indistinctement appelé du nom de roitelet ces deux espèces, quoique très différentes et très éloi- gnées (g).

Le troglodyte est donc ce très petit oiseau qu’on voit paraître dans les villages et près des villes à l’arrivée de l’hiver et jusque dans la saison la plus rigoureuse, exprimant d’une voix claire un petit ramage gai, particu- lièrement vers le soir ; se montrant un instant sur le haut des piles de bois, sur les tas de fagots, où il rentre le moment d’après, ou bien sur l’avance d’un toit, où il ne reste qu’un instant, et se dérobe vite sous la couverture ou dans un trou de muraille (A) ; quand il en sort il sautille sur les branchages entassés, sa petite queue toujours relevée (i) ; il n’a qu’un vol court et tour-

(a) « Tyrannos (roi) cui corpus non multò ampliùs quam locustæ, cristâ rutilâ, ex plumâ elatiusculâ, et caetera, elegans cantuque suavis. » Aristote, Hist. animal., lib. viii, cap. iii.

(b) « Les Grecs de Crète nomment le troglodyte trilato dans leur langue vulgaire, nom cor- respondant à celui de trochilus dans la langue antique, lequel oiseau ils savent fort bien dis- tinguer d’un autre oiseau moindre que lui, qu’ils nommoient tettigon, les Latins tyrannus et les François un poul, souci ou sourcicle. » Belon, Observ., p. 11.

(c) « Vocatur idem (trochilos) senator et rex ; quamobrem aquilam pugnare cum eo refe- runt. » Idem, lib. ix, cap. ii.

(d) « Ornithologi recentiores omnes, ante Gessnerum, aviculam hanc (troglodytem) pro veterum regulo habuerunt. » Willughby, Ornithol., p. 163.

(e) Voyez Gessner, page 625, et la figure qu’il donne du troglodyte, qui est bien recon- naissable.

(f) Turner, sous la dénomination de trochilus, décrit le troglodyte ; et Ætius en donne une notice très exacte, en le distinguant fort bien du roitelet, souci. Voyez Aldrovande, tome II, page 655.

(g) Olina, Belon, Albin et M. Brisson le nomment roitelet ; Frisch et Schwenckfeld, après l’avoir nommé troglodyte, l’appellent aussi roitelet ; mais Gessner, Aldrovande, Jonston, Willughby et Sibbald après eux, rejettent cette dernière dénomination, et s’en tiennent à celle de troglodyte. Voyez la nomenclature, au commencement de cet article. Par une nouvelle confusion, Klein, Barrère, Frisch et Gessner lui-même appliquent de nouveau au roitelet, tyrannus, le nom de trochilos, qui, dans Aristote, appartient évidemment au troglodyte : M. Brisson copie leur erreur. Voyez la nomenclature sous l’article roitelet.

(h) « Per sepes et foramina reptat, unde et meritò troglodytes dicitur. » Willughby, p. 165.

(i) Il lui donne en chantant un petit mouvement vif de droite à gauche. Elle a douze pennes assez singulièrement étagées : la plus extérieure est de beaucoup plus courte que la suivante, celle-ci que la troisième ; mais les deux du milieu le sont à leur tour un peu plus que leurs voisines de chaque côté ; disposition facile à reconnaître dans cette queue, que l’oiseau a cou- tume, non seulement de relever, mais d’épanouir en volant, et qui la fait paraître à deux pointes.