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LE POUILLOT OU LE CHANTRE. 591

En automne, le pouillot quitte les bois et vient chanter dans nos jardins et nos vergers ; sa voix, dans cette saison, s’exprime par tuit, tuit, et ce son presque articulé est le nom qu’on lui donne dans quelques provinces (a), comme en Lorraine, où nous ne retrouvons pas la trace du nom chofti (b), qu’on y donnait à cet oiseau du temps de Belon, et qui, selon lui, signifie chanteur ou chantre (c), autre dénomination de cet oiseau, relative à la diversité et à la continuité de son ramage (d), qui dure tout le printemps et tout l’été. Ce chant a trois ou quatre variations, la plupart modulées : c’est d’abord un petit gloussement ou grognement entrecoupé, puis une suite de sons argentins détachés, semblables au tintement réitéré d’écus qui tombe- raient successivement l’un sur l’autre ; et c’est apparemment ce son que Willughby et Albin comparent à la strideur des sauterelles (e) : après ces deux essorts de voix très différents l’un de l’autre, l’oiseau fait entendre un chant plein ; c’est un ramage fort doux, fort agréable et bien soutenu, qui dure pendant le printemps et l’été ; mais en automne, dès le mois d’août, le petit sifflement luit, tuit, succède à ce ramage, et cette dernière variation de la voix se fait à peu près de même dans le rouge-queue et dans le rossi- gnol (f).

Dans le pouillot, le mouvement est encore plus continu que la voix, car il ne cesse de voltiger vivement de branche en branche ; il part de celle où il se trouve pour attraper une mouche ; revient, repart en furetant sans cesse dessus et dessous les feuilles pour chercher des insectes, ce qui lui a fait donner dans quelques-unes de nos provinces les noms de fretillet féné- rotet : il a un petit balancement de queue de haut en bas, mais lent et mesuré.

Ces oiseaux arrivent en avril, souvent avant le développement des feuilles : ils sont en troupes de quinze ou vingt pendant le voyage (*) ; mais au moment de leur arrivée ils se séparent et s’apparient, et lorsque mal-

(a) En Toscane, lui ; et il prononce ce petit nom d’une voix plaintive, dit Olina, sans avoir d’autre chant. Ceci semblerait indiquer que le pouillot ne passe point l’été en Italie, d’autant plus qu’Olina dit ensuite qu’on l’y voit en hiver.

(b) On le nomme encore ainsi dans la forêt d’Orléans, suivant M. Salerne, Ornithol., page 242.

(c) « Après le roitelet (troglodyte) et le poul (roitelet), nous ne cognoissons oiseau de moindre corpulence que cestuy que les Lorrains nomment chofty, qui vaut autant dire en françois, comme chanteur. » Belon, Nat. des oiseaux, p. 344.

(d) « Ce petit oiseau varie infiniment son chant... C’est un des premiers oiseaux qui an- noncent le retour du printemps. Je l’ai entendu chanter plus de trois semaines avant le ros- signol franc. » Salerne, Ornithol., p. 242.

(e) « Voce stridet ut locusta, canora est. » Willughby. — « Leur ramage ressemble au ton rauque des sauterelles. » Albin, t. II, p. 38.

(f) C’est apparemment cet accent que Willughby appelle une voix plaintive : Et canit voce querulâ. Ornithol., p. 164.

(*) D’après Brehm, chaque sexe émigre séparément ; les femelles arrivent dans nos pays après les mâles et en partent avant eux. Ils voyagent pendant la nuit.