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LE BANANISTE. 583

LE BANANISTE

Nous avons vu parmi les pinsons un oiseau (*) de la Jamaïque appelé bonana, qu’il ne faut pas confondre avec celui-ci. Le bananiste est beaucoup plus petit, son plumage est différent, et quoiqu’il se plaise sur le même arbre appelé bonana ou bananier, il a probablement aussi des mœurs différentes : c’est ce qu’on pourrait décider si celles du bonana de M. Sloane étaient aussi bien connues que celles de l’oiseau dont il est question dans cet article, et dont M. le chevalier Lefèvre Deshayes nous a envoyé la description, la figure coloriée et tout ce que nous en dirons. Il se trouve à Saint-Domingue ; les nègres assurent qu’il suspend son nid à des lianes ; on le voit souvent sur les bananiers, mais la banane n’est point sa seule nourriture, et plu- sieurs autres oiseaux s’en nourrissent comme lui, en sorte que le nom de bananiste, il faut l’avouer, ne le caractérise pas suffisamment. Mais j’ai cru devoir lui conserver ce nom, sous lequel il est connu généralement à Saint- Domingue.

Le bananiste a le bec un peu courbé, fort pointu, et d’une grosseur moyenne, comme sont les becs des demi-fins : outre les bananes, il se nourrit d’oranges, de cirouelles, d’avocats et même de papayes on n’est pas bien sûr s’il mange aussi des graines ou des insectes ; tout ce qu’on sait, c’est qu’il ne s’est trouvé nul vestige d’insectes ni de graines dans l’estomac de celui qu’on a ouvert ; il se tient dans les bananeries, dans les terrains en friche et couverts de halliers ; il vole par sauts et par bonds ; son vol est rapide et accompagné d’un petit bruit ; son ramage est peu varié, c’est, pour ainsi dire, une continuité de cadences plus ou moins appuyées sur le même ton.

Quoique le bananiste vole bien, M. le chevalier Deshayes le trouve trop délicat et trop faible pour soutenir les grands voyages et pour supporter la température des pays septentrionaux, d’où il conclut que c’est un oiseau indigène du nouveau continent ; il a le dessus du corps d’un gris foncé pres- que noirâtre, qui approche du brun sur la queue et les couvertures des ailes, les pennes de la queue moins foncées que celles des ailes, et terminées de blanc ; les ailes, marquées dans leur milieu d’une tache blanche ; des espèces de sourcils blancs ; les yeux sur une bande noire qui part du bec et va se perdre dans la couleur sombre de l’occiput ; la gorge gris cendré ; la poi- trine, le ventre et le croupion d’un jaune tendre ; les flancs, les cuisses et les couvertures inférieures de la queue variés de jaune clair et de gris ; quel- ques-unes des couvertures supérieures blanches et se relevant sur la queue ;

(*) Motacilla bananivora Gmel.