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LES DEMI-FINS. 579

et ce sont ces mêmes grains qui ont visiblement multiplié les espèces d’oi- seaux granivores, puisque ces espèces ne se trouvent en nombre que dans les pays cultivés, tandis que dans les vastes déserts de l’Amérique, dans ses grandes forêts, dans ses savanes immenses, où la nature brute, par cela même qu’elle est indépendante de l’homme, ne produit rien qui ressemble à nos grains, mais seulement des fruits, de petites semences et une énorme quantité d’insectes. Les espèces d’oiseaux insectivores et à bec faible se sont multipliées en raison de l’abondance de la nourriture qui leur convenait ; mais dans le passage des oiseaux à bec fort aux oiseaux à bec faible, la nature, comme dans tous ses autres ouvrages, procède par gradations in- sensibles : elle tend à rapprocher les extrêmes par l’artifice admirable de ses nuances, de ses demi-teintes qui déroutent si souvent les divisions tranchées de ses méthodes. La classe des demi-fins (*) est une de ces nuances ; c’est la classe intermédiaire entre les oiseaux à bec fort et ceux à bec fin. Cette classe existe de temps immémorial dans la nature, quoiqu’elle n’ait point encore été admise par aucun méthodiste (a) : elle comprend parmi les oiseaux du Nouveau Monde ceux qui ont le bec plus fort que les pitpits, mais moins que les tangaras ; et parmi les oiseaux de l’ancien continent, ceux qui ont le bec plus fort que les fauvettes, mais moins que la linotte. On pourrait donc y rapporter non seulement la calandre et quelques alouettes, mais plu- sieurs espèces qui n’ont été rangées dans d’autres classes que parce que celle-ci n’existait pas encore ; enfin, les mésanges feront la nuance entre ces demi-fins et les becs faibles, parce que bien qu’elles aient le bec fin, et par conséquent faible en apparence, cependant on jugera qu’elles l’ont assez gros si on le compare à sa très petite longueur, et parce qu’elles l’ont en effet assez fort pour casser des noyaux et percer le crâne d’un oiseau plus gros qu’elles, comme on le verra dans leur histoire.

(a) Lorsque l’on commençait d’imprimer cet article, je me suis aperçu que M. Edwards, dans son catalogue d’oiseaux, etc., qui est à la fin du septième volume, a rangé parmi ceux qui ont des becs d’une épaisseur moyenne les oiseaux suivants : 1o son oiseau écarlate, qui est notre scarlate ; 2o son oiseau rouge d’été, qui est notre preneur de mouches rouge ; 3o son manakin au visage blanc, qui est notre demi-fin à huppe et gorge blanches ; son moineau de buisson d’Amérique, qui est notre babit uni ; 5o son rouge-queue des Indes, qui est notre petit noir-aurore ; 6o son moucherolle olive, qui est notre gobe-mouche olive ; 7o son mangeur de vers, auquel nous avons conservé ce nom.

(*) Les Demi-fins de Buffon sont presque tous rangés par Gmelin dans son genre Mota- cilla.