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LES BERGERONNETTES OU BERGERETTES. 545

pour ne pas contredire les nomenclatures reçues ; et nous ferons un article sépare des bergeronnettes étrangères et des oiseaux qui ont le plus de rap- port avec elles.

L’espèce d’affection que les bergeronnettes marquent pour les troupeaux, leur habitude à les suivre dans la prairie, leur manière de voltiger, de se promener au milieu du bétail paissant, de s’y mêler sans crainte jusqu’à se poser quelquefois sur le dos des vaches et des moutons, leur air de familia- rité avec le berger qu’elles précèdent, qu’elles accompagnent sans défiance et sans danger, qu’elles avertissent même de l’approche du loup ou de l’oi- seau de proie (a), leur ont fait donner un nom approprié, pour ainsi dire, à cette vie pastorale (b). Compagne d’hommes innocents et paisibles, la berge- ronnette semble avoir pour notre espèce ce penchant qui rapprocherait de nous la plupart des animaux s’ils n’étaient repoussés par notre barbarie, et écartés par la crainte de devenir nos victimes. Dans la bergeronnette l’af- fection est plus forte que la peur ; il n’est point d’oiseau libre dans les champs qui se montre aussi privé (c), qui fuie moins et moins loin, qui soit aussi confiant, qui se laisse approcher de plus près, qui revienne plus tôt à portée des armes du chasseur, qu’elle n’a pas l’air de redouter, puisqu’elle ne sait pas même fuir (d).

Les mouches sont sa pâture pendant la belle saison ; mais quand les fri- mas ont abattu les insectes volants et renfermé les troupeaux dans l’étable, elle se retire sur les ruisseaux et y passe presque toute la mauvaise saison. Du moins la plupart de ces oiseaux ne nous quittent pas pendant l’hiver ; la bergeronnette jaune est la plus constamment sédentaire, la grise est moins commune dans cette mauvaise saison.

Toutes les bergeronnettes sont plus petites que la lavandière, et ont la queue à proportion encore plus longue. Belon, qui n’a connu distinctement que la bergeronnette jaune, semble désigner notre bergeronnette grise sous le nom de autre sorte de lavandière (e).

La bergeronnette grise a le manteau gris, le dessous du corps blanc, avec une bande brune en demi-collier au cou ; la queue noirâtre, avec du blanc

(a) « Lorsque ces oiseaux vont en troupes à la suite des troupeaux, ils sont les espions ou plutôt les sentinelles du berger, car ils l’avertissent lorsqu’ils aperçoivent le loup ou un oiseau de proie. » (Note communiquée par M. Guys.)

(b) « La bergeronnette, qui aussi se repaît de mouches, suit volontiers les bêtes, sachant y trouver sa pâture, et possible est de là que l’avons nommée bergerette. » Belon, Nat. des oiseaux, p. 351.

(c) « De tous oysillons sauvages, il n’y en a aucun qui soit si privé que les bergeronnettes, car elles viennent jusque bien près des personnes sans en avoir peur. » Belon, Nat. des ois., p. 351.

(d) « Quand elle s’est abattue dans un troupeau, occupée à gober les mouches, elle se laisse approcher de très près. » Salerne.

(e) « Encore y a une autre sorte de lavandière qui est moindre que la susdite, qui n’est pas plus grosse qu’une bergerette. Il semble que c’est quelque espèce entre les deux. » Belon, Nat. des oiseaux, p. 351.