Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome VI.djvu/574

Cette page n’a pas encore été corrigée

542 ŒUVRES COMPLÈTES DE BUFFON.

trois semaines ou un mois (*) ; on les voit se gorger avidement d’insectes et d’œufs de fourmis qu’ils leur portent (a). En tout temps, on observe que ces oiseaux prennent leur manger avec une vitesse singulière, et sans paraître se donner le temps de l’avaler ; ils amassent les vermisseaux à terre, ils chassent et attrapent les mouches en l’air : ce sont les objets de leurs fré- quentes pirouettes ; du reste, leur vol est ondoyant et se fait par élans et par bonds ; ils s’aident de la queue dans leur vol en la mouvant horizontale- ment, et ce mouvement est différent de celui qu’ils lui donnent à terre, et qui se fait de haut en bas perpendiculairement. Au reste, les lavandières font entendre fréquemment, et surtout en volant, un petit cri vif et redou- blé, d’un timbre net et clair, guiguit, guiguiguit ; c’est une voix de rallie- ment (b), car celles qui sont à terre y répondent ; mais ce cri n’est jamais plus bruyant et plus répété que lorsqu’elles viennent d’échapper aux serres de l’épervier (c) (**) ; elles ne craignent pas autant les autres animaux ni même l’homme, car, quand on les tire au fusil, elles ne fuient pas loin, et reviennent se poser à peu de distance du chasseur : on en prend quelques- unes avec les alouettes au filet à miroir ; et il paraît au récit d’Olina qu’on en fait en Italie une chasse particulière vers le milieu d’octobre (d).

C’est en automne qu’on les voit en plus grand nombre dans nos cam- pagnes (e). Cette saison, qui les rassemble, paraît leur inspirer plus de gaieté ;

(a) «Je mis des œufs de grosses fourmis dans un endroit où les lavandières se prome- naient volontiers ; elles en prenaient à chaque fois jusqu’à quinze et seize, tant que leur gésier était rempli, et les partageaient à leurs petits. » (Note du même observateur.)

(b) « Font une voix haultaine et claire en volant, ou quand elles ont peur, qui est pour s’entr’appeler. » Belon.

(c) Olina.

(d) « Si suol tender à quest’ uccello dà mezz’ ottobre, continuando fin per tutto novembre. » Olina, p. 51 ; la figure, p. 43. Cette chasse dure depuis quatre heures du soir jusqu’à l’entrée de la nuit : on se place au bord des eaux, on attire les lavandières par un appelant de leur espèce, ou, si l’on n’en a pas encore, avec quelque autre petit oiseau.

(e) En Brie, en Bourgogne, en Bugey, et dans la plupart de nos provinces, on en voit en certains temps de l’année une quantité prodigieuse près des lieux habités, dans les champs, à la suite des troupeaux, d’où il paraît que c’est un oiseau de passage. (Note de M. Hébert.)

(*) Les lavandières font ordinairement deux pontes par an : la première de six à huit œufs et la seconde de quatre à six seulement. La première couvée est finie au mois d’avril, la seconde au mois de juin. La femelle seule couve, mais le mâle l’aide à élever les petits.

(**) Les lavandières attaquent un grand nombre d’oiseaux, tels que les pinsons, les bruants, les alouettes, etc. Elles font même la guerre aux oiseaux rapaces de grande taille. Brehm père dit à cet égard : « Quand les hochequeues aperçoivent un oiseau de proie, elles le poursuivent longtemps en poussant de grands cris ; elles avertissent aussi le reste du peuple ailé, et, de cette façon, elles contraignent plus d’un épervier à abandonner sa chasse. J’ai souvent admiré leur courage et leur agilité, et je suis parfaitement convaincu que, seul, le faucon peut parvenir à les capturer ; l’épervier est trop lent pour s’emparer d’une hochequeue au vol. Lorsqu’une bande de ces oiseaux a mis en fuite un rapace, alors retentit dans les airs un chant de triomphe, puis elles se séparent. Elles détestent également le hibou et accourent autour de lui, en poussant de grands cris ; mais elles s’éloignent bientôt si le hibou ne s’en- vole pas. »