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LA LAVANDIÈRE. 541

former une variété qui, néanmoins, se mêle et se confond avec l’espèce (a), car la différence du mâle à la femelle consiste en ce que, dans celle-ci, la partie du sommet de la tête est brune, au lieu que dans le mâle cette même partie est noire (b) (*).

La lavandière est de retour dans nos provinces à la fin de mars ; elle fait son nid à terre, sous quelques racines ou sous le gazon dans les terres en repos, mais plus souvent au bord des eaux, sous une rive creuse et sous les piles de bois élevées le long des rivières ; ce nid est composé d’herbes sèches, de petites racines, quelquefois entremêlées de mousse, le tout lié assez négligemment, et garni au dedans d’un lit de plumes ou de crin ; elle pond quatre ou cinq œufs blancs, semés de taches brunes, et ne fait ordi- nairement qu’une nichée, à moins que la première ne soit détruite ou interrompue avant l’éclosion ou l’éducation des petits ; le père et la mère les défendent avec courage lorsqu’on veut eh approcher ; ils viennent au- devant de l’ennemi plongeant et voltigeant, comme pour l’entraîner ail- leurs ; et quand on emporte leur couvée ils suivent le ravisseur, volant au-dessus de sa tête, tournant sans cesse, et appelant leurs petits avec des accents douloureux ; ils les soignent aussi avec autant d’attention que de propreté, et nettoient le nid de toutes ordures ; ils les jettent au dehors, et même les emportent à une certaine distance ; on les voit de même em- porter au loin les morceaux de papier ou les pailles qu’on aura semés pour reconnaître l’endroit où leur nid est caché (c). Lorsque les petits sont en état de voler, le père et la mère les conduisent et les nourrissent encore pendant

(a) « Color plumaginis in hoc genus ave subinde variat ; alias magis cinereus, alias nigrior. » Willughby, p. 172. Albin dit la même chose, t. Ier, p. 43. Quelques observateurs semblent attribuer cette différence à celle de l’âge, et assurent qu’à leur retour au printemps la plupart des lavandières sont plus blanches, et prennent du noir dans le cours de la saison. Belon parait de cet avis : « Les jeunes lavandières de six mois, dit-il, sont d’une autre cou- leur que les vieilles d’un an, qui ont mué leur premier plumage. » Nat. des Oiseaux.

(b) « In questa specie la femmina è differente dall maschio sola nell’aver sopra il capo macchia non di nero, ma di bigio. » Olina. — « Femella est cinereo vertice. » Schwenck- feld, page 306.

(c) « J’observais des lavandières qui avaient placé leur nid dans le trou d’un mur que bai- gnait la rivière ; elles avaient soin de nettoyer le nid de leurs petits, et d’en emporter toutes les ordures à plus de trente pas. Il s’arrêta au plateau du pilotis qui soutenait le mur à fleur d’eau un papier blanc ; je remarquai que ce papier déplaisait aux lavandières, et qu’elles fai- saient l’une après l’autre d’inutiles efforts pour l’enlever : il était trop pesant ; je l’ôtai et j’y substituai de petites bandes de papier également blanc ; elles ne manquèrent pas de les enle- ver les unes après les autres, et de les porter à la même distance qu’elles portaient les ordures de leurs petits, trompées par la conformité de couleur. Je répétai plusieurs fois la même expérience. » (Note communiquée par M. Hébert.)

(*) D’après Brehm, la femelle ne diffère du mâle que par les moindres dimensions de la tache noire de la gorge. Le plumage d’automne diffère, dans les deux sexes, de celui de l’été. En automne, la gorge est blanche et encadrée par une bande noire en forme de fer à cheval. Les jeunes ont le dos gris cendré sale, le ventre gris ou blanc sale, la gorge noire, l’œil brun foncé ; les pattes et le bec noirs.