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530 ŒUVRES COMPLÈTES DE BUFFON.

n’avons rien appris des habitudes naturelles de ces oiseaux ; cependant cette connaissance seule anime le tableau des êtres vivants et les présente dans la véritable place qu’ils occupent dans la nature. Mais combien de fois dans l’histoire des animaux n’avons-nous pas senti le regret d’être ainsi bornés à donner leur portrait et non pas leur histoire ! Cependant tous ces traits doivent être recueillis et posés au bord de la route immense de l’observa- tion comme sur les cartes des navigateurs sont marquées les terres vues de loin, et qu’ils n’ont pu reconnaître de plus près.

VIII. — LE CLIGNOT OU TRAQUET A LUNETTE.

Un cercle d’une peau jaunâtre, plissée tout autour des yeux de cet oiseau (*), et qui semble les garnir de lunettes, est un caractère si singulier qu’il suffit pour le distinguer. M. Commerson l’a rencontré sur la rivière de la Plata, vers Montévidéo, et les noms qu’il lui donne sont relatifs à celte conforma- tion singulière de l’extérieur de ses yeux (a). Il est de la grandeur du char- donneret, mais plus épais du corps ; sa tête est arrondie, et le sommet en est élevé ; tout son plumage est d’un beau noir, excepté la tache blanche dans l’aile qui l’assimile aux traquets : cette tache s’étend largement par le milieu des cinq premières pennes, et finit en pointe vers l’extrémité des six, sept et huitième. Dans quelques individus on voit aussi du blanc aux cou- vertures inférieures de la queue, dans les autres elles sont noires comme le reste du plumage ; l’aile pliée n’atteint qu’à la moitié de la queue, qui est longue de deux pouces, carrée lorsqu’elle est fermée, et formant, quand elle s’étale, un triangle presque équilatéral ; elle est composée de huit pennes égales ; le bec est droit, effilé, jaunâtre à la partie supérieure, légèrement fléchi en crochet à l’extrémité ; la langue est membraneuse, taillée en flèche à double pointe ; les yeux sont ronds avec l’iris jaune et la prunelle bleuâtre. Cette singulière membrane, qui fait cercle à l’entour n’est ap- paremment que la peau même de la paupière nue et plus étendue qu’à l’ordinaire, et par conséquent assez ample pour former plusieurs plis ; c’est du moins l’idée que nous en donne M. Commerson lorsqu’il la com- pare à du lichen ridé (b), et qu’il dit que les deux portions de cette mem- brane frangée par les bords se rejoignent quand l’oiseau ferme les yeux ; on doit remarquer de plus dans l’œil de cet oiseau la membrane clignotante qui part de l’angle intérieur ; les pieds et les doigts, assez menus, sont noirs ; le

(a) Perspicillarius, nictitarius, lichenops ; Clignot.

(b) « Crispatur in margine fimbriata (membrana circum-ocularis) eodem planè modo ac ea lichenis species quæ veterum tectorum tegulas lateritias.obsidet. Oculis conniventibus, hæc membrana horizontaliter deprimitur, et utraque medietate collimat. Ita ut trans ejus- dem riman, avis, si lubet, aliquatenus perspicere possit. Præterea adest membrana, nicti- tans, ex interiore oculi cantho deducenda, pellucida, subtilissima. «

(*) Motacilla perspicillata L.