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coup mieux que le merle ordinaire, et qui, au pis-aller, pourraient faire le tour et pénétrer en Italie en passant par l’État de Venise. D’ailleurs, c’est un fait que ces merles se trouvent en Italie ; celui que M. Brisson a décrit et celui que nous avons fait représenter no 250 ont été tous deux envoyés de ce pays. M. Edwards avait appris par la voix publique qu’ils y nichaient sur les rochers inaccessibles ou dans les vieilles tours abandonnées[1], et de plus il en a vu quelques-uns qui avaient été tués aux environs de Gibraltar, d’où il conclut avec assez de fondement qu’ils sont répandus dans tout le midi de l’Europe ; mais cela doit s’entendre seulement des montagnes, car il est rare qu’on rencontre de ces oiseaux dans la plaine ; leur ponte est ordinairement de quatre ou cinq œufs, et leur chair, surtout celle des jeunes, passe pour un fort bon manger[2].


LE MERLE SOLITAIRE[3]

Voici encore un merle habitant des montagnes et renommé pour sa belle voix. On sait que le roi François Ier prenait un singulier plaisir à l’entendre, et qu’aujourd’hui même un mâle apprivoisé de cette espèce se vend fort cher à Genève et à Milan[4], et beaucoup plus cher encore à Smyrne et à Constantinople[5]. Le ramage naturel du merle solitaire[NdÉ 1] est en effet très doux, très flûté, mais un peu triste, comme doit être le chant de tout oiseau vivant en solitude ; celui-ci se tient toujours seul, excepté dans la saison de l’amour. À cette époque, non seulement le mâle et la femelle se recherchent, mais souvent ils quittent de compagnie les sommets agrestes et déserts où jusque-là ils avaient fort bien vécu séparément, pour venir dans les lieux habités

  1. M. Lottinger me parle d’un merle plombé qui passe dans les montagnes de Lorraine aux mois de septembre et d’octobre, qui est alors beaucoup plus gras et de meilleur goût que nos merles ordinaires, mais qui ne ressemble ni au mâle ni à la femelle de cette dernière espèce. Comme la notice que j’ai reçue de cet oiseau n’était point accompagnée de description, je ne puis décider s’il doit être rapporté comme variété à l’espèce du merle bleu dont il semble se rapprocher par le plumage et par les mœurs.
  2. Belon, Nature des Oiseaux, p. 317.
  3. C’est la trentième grive de M. Brisson, t. II, p. 268. Il est probable que c’est ici le Κόσσυφος βαιὸς ou petit merle, dont Aristote dit, liv. iv, cap. xix de son Histoire des Animaux, qu’il est semblable au merle noir, excepté que son plumage est brun, que son bec n’est point jaune, et qu’il a coutume de se tenir sur les rochers ou sur les toits : je ne sache que le solitaire à qui tout cela puisse convenir ; d’ailleurs, cet oiseau se trouve dans les îles de l’Archipel, et par conséquent ne put être inconnu à Aristote ou à ses correspondants.
  4. Voyez Olina, Uccellaria, p. 14. Gessner, p. 608. Willughby, p. 140. « Si mas fuerit et cicur, et canere noverit, nummo aureo venit. »
  5. « Venditur Constantinopoli et Smyrnae interdum a 50 ad 100 piastris. » Hasselquist, in Actis Upsal. annorum 1744-1750.
  1. Merula solitaria [Note de Wikisource : actuellement Monticola solitarius Linnæus, vulgairement monticole merle-bleu].